Nos initiatives passées à la trappe, où en est-on maintenant sur le plan légal au niveau du nucléaire ? Personne ne semble plus vraiment se préoccuper de la suite de l’histoire ! Silence radio dans les gazettes helvétiques !
Et pourtant, il y aurait des choses à dire pour éclairer la lanterne de nos concitoyens. Les Suisses savent-ils, par exemple, qu’en votant NON aux initiatives, ils acceptaient ipso facto la toute nouvelle LENu (loi sur l’énergie nucléaire), mise sous toit le 21 mars dernier par nos autorités fédérales ? Il y a fort à parier que la plupart des citoyens de ce pays ignorent tout de l’existence de cette loi et, a fortiori, de son scandaleux contenu !
Que dit la LENu ?
Tout d’abord, la construction de nouvelles centrales est désormais possible, contrairement à toutes les déclarations faites auparavant par le Conseil fédéral ! Ensuite, nos autorités n’envisagent aucune sortie du nucléaire ! Quelle folie, ces centrales ont été conçues pour une durée d’exploitation d’une trentaine d’années, toute prolongation de ce délai augmente le risque potentiel d’accident. Quand on sait que Mühleberg, pour ne prendre que cet exemple, comporte des fissures de 2 mètres sur la jupe du cœur, retenues par des agrafes, on est en droit de se faire du souci. Encore un point scandaleux à relever dans le contenu de cette loi scélérate : le droit de veto par rapport à l’enfouissement des déchets nucléaires est retiré aux cantons, le sous-sol de chaque canton étant dorénavant considéré comme propriété de la Confédération. Quant aux commissions d’experts indépendants exigées par les milieux antinucléaires pour la surveillance des centrales, elles sont bien entendu refusées. Le contrôle des installations appartient donc toujours au lobby nucléaire. Voilà le travail ! Cette situation dramatique devrait donner à réfléchir à tous ceux qui, en refusant nos initiatives pensaient innocemment dire simplement non à une sortie prématurée du nucléaire, comme le laissait entendre la propagande des nucléocrates.
Le référendum manqué
De toute évidence, cette loi aurait dû faire l’objet d’un référendum afin que le peuple puisse se prononcer en toute connaissance de cause et dise s’il accepte ou non ces scandaleuses conditions. A ContrAtom, nous étions à fond pour relever le défi. Cela nous semblait constituer le moyen idéal de relancer le débat et d’éclaircir les choses. Un sondage VOX n’a-t-il pas révélé tout récemment qu’un tiers des votants a dit NON aux initiatives en pensant dire NON au nucléaire ? (V. article p.6) D’autre part, 45’000 signatures (il en faut 50’000 pour un référendum fédéral) n’avaient-elles pas déjà été réunies au printemps 2000 pour soutenir une pétition contre cette même loi alors qu’elle était à l’état de projet ? Cela aurait été aussi l’occasion de ne pas rester au tapis après l’échec, mais de se remettre debout, de serrer les rangs et de repartir ensemble dans une nouvelle campagne ! Hélas, sans nous laisser le temps d’en débattre, le WWF et Greenpeace ont immédiatement annoncé qu’ils ne lanceraient pas le référendum et qu’ils refuseraient, le cas échéant, de le soutenir. Les partis politiques traditionnellement de notre côté (gauche et Verts) se sont également dégonflés. Le Comité romand Sorti du Nucléaire, qui dans un premier temps s’était prononcé à une large majorité pour lancer le référendum, a renoncé à son tour. Et voilà donc ContrAtom contrainte alors, la mort dans l’âme, à la capitulation : impossible de partir seule en campagne lorsqu’il s’agit de récolter 50’000 signatures en 3 mois !
Dommage !
Je n’en suis pas encore remise !
Anne-Cécile
une victoire dans les intentions, mais une défaite dans les urnes
Au lendemain de la cuisante défaite du 18 mai (rejet des deux initiatives antinucléaires par le peuple), différentes explications étaient données par les milieux antinucléaires. Mais le bouquet, c’était la parution de la traditionnelle étude Vox sur les motivations des Suisses lors du vote.
Celle-ci mettait en évidence le problème de la « mal-information » lors du vote : 38% des citoyens qui ont voté NON aux deux initiatives antinucléaires étaient incapables de justifier leur choix et se prononçaient en fait CONTRE toute nouvelle centrale nucléaire en Suisse, donc en réalité POUR le moratoire… Vraisemblablement, ils n’avaient rien compris et nous nous retrouvons victorieux dans les intentions mais vaincus en voix.
Un grand merci au Conseil fédéral qui a habilement joué sur la confusion en présentant 9 sujets de vote en même temps. Mais d’autres explications peuvent être amenées pour expliquer cette défaite. En voici quelques-unes :
Les milieux populistes de droite ont su faire peur avec le thème « tout cela va nous coûter très cher », alors que le comité romand a voulu éviter de jouer sur ce tableau et a préféré axer l’argumentation sur les solutions d’avenir pour donner une image plus moderne et positive du mouvement antinucléaire. C’était probablement un mauvais choix politique, puisqu’il semble malheureusement que, pour contrer la peur du Suisse moyen face au changement, il aurait fallu lui présenter une peur plus grande et non des arguments rationnels… Au niveau du matériel de campagne également, les choix graphiques n’ont pas fait l’unanimité.
Une anecdote très significative
Au soir des votations, un ingénieur pronucléaire ( !) déclarait à la radio suisse romande : « de toute façon, c’est clair que la fission n’est pas une énergie d’avenir, bien entendu on va en sortir... » Un autre paradoxe est le fait que les Suisses aient voté non à l’initiative du moratoire (dix ans sans nouvelles centrales) alors que de toute façon il n’y aura pas de nouvelles centrales dans les dix prochaines années en tout cas…
La déprime à ContrAtom
Il faut avouer que ce lamentable résultat de votation remet en question tout ce que nous faisons depuis dix ans (information, journaux, actions de rue etc.). Après une crise « dépressive », ContrAtom a trouvé, entre autres lors de son assemblée générale de juin, de nouvelles idées pour une meilleure information, une meilleure présence dans les journaux et dans les milieux altermondialistes par exemple. Cependant, toute idée demande de l’investissement, parfois financier mais surtout humain et c’est là que nous attendons votre soutien…
Philippe Gobet