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Le nucléaire ne sauvera pas notre planète
Publié le vendredi 28 septembre 2007

Le nucléaire ne sauvera pas notre planète

Depuis quelques années, il est de plus en plus courant d’entendre dire que l’industrie nucléaire serait un moyen relativement peu polluant de produire de l’énergie car elle ne dégage pas de gaz carbonique et, de ce fait, elle ne contribue pas au réchauffement climatique. C’est surtout depuis la Conférence de Kyoto, que les partisans de l’énergie atomique ont enfourché le cheval de bataille de la lutte contre l’effet de serre. Il y aurait de quoi rire, si cette absurdité ne servait pas l’argumentation pro nucléaire avec autant de succès.

Quelques exemples

Au mois de mai 2003, lors de l’ultime rencontre organisée dans le cadre du « débat » national sur l’énergie, Nicole Fontaine, ministre déléguée à l’industrie, déclarait que la France devait « choisir rapidement entre deux inconvénients (sic !), les risques liés à l’utilisation de l’énergie nucléaire et ceux résultant du changement climatique » et que, dans ce contexte, c’était bien « l’apport du nucléaire à la réduction des émissions françaises de gaz à effet de serre qui serait déterminant ». Suite à la canicule de l’été dernier, l’Agence pour l’énergie atomique (AEN), émanation de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), publiait un rapport tendant à démontrer les avantages du développement de l’énergie nucléaire pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, avantages qui, selon elle, devraient être mieux pris en compte dans les mécanismes prévus par le protocole de Kyoto. En Finlande, la récente décision de construire un cinquième réacteur nucléaire est très clairement justifiée par la nécessité de respecter les accords de Kyoto en vue d’une limitation des émissions de gaz à effet de serre. Le recours au charbon, qui était une vraie alternative en 1993, a été balayé au fur et à mesure que les objectifs climatiques du protocole devenaient concrets. Le gouvernement japonais envisage de construire dans les dix ans à venir entre 15 et 20 nouveaux réacteurs dans le but de respecter ses engagements de Kyoto. Sans vouloir opposer un danger - ou un « inconvénient » - à un autre plus grand encore, il est indispensable de tenter de mettre à jour quelques contre-vérités, fausses pistes ou raccourcis de cette argumentation pro nucléaire qui ne fait que déplacer, voire augmenter, le problème très sérieux du réchauffement de la planète. Commençons par dresser le décor afin de bien comprendre de quoi il est exactement question dans cette propagande.

Effet de serre

Certains gaz, tels que le dioxyde de carbone (CO2), le méthane, les oxydes d’azote, les chlorofluorocarbones (C.F.C.), l’ozone et la vapeur d’eau, ainsi que des traces de gaz rares, sont dispersés dans l’atmosphère. Ils laissent passer une grande partie des radiations solaires, mais absorbent la chaleur émise en retour par la surface de la terre contribuant de ce fait à maintenir un équilibre thermique à la surface de la planète (d’où l’analogie avec une serre).

Changement climatique

Lorsque la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre augmente, il en résulte naturellement une augmentation de la température de la surface de la terre attestée notamment par les étés chauds de ces dernières années, la fonte désormais mesurée de la banquise arctique, les masses de glaces énormes qui se séparent des glaciers antarctiques, l’augmentation du niveau des océans etc. Les experts prévoient pour le XXIème siècle une hausse de la température moyenne de la Terre comprise entre 1,4°C et 5,8°C et une augmentation du niveau des océans comprise entre 9 et 88 cm. On constate de plus une très forte accélération depuis 1990, la dernière décennie du siècle étant la plus chaude depuis au moins mille ans. Cette rapide modification du climat mondial pourrait se traduire par une augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, cyclones, sécheresse, inondations etc... L’agriculture serait bouleversée et des déplacements massifs de population deviendraient inévitables entre les régions sinistrées (zones côtières inondées, accroissement des déserts etc...) et les zones préservées entraînant nécessairement des tensions politiques. Il semble donc difficile de continuer à nier que, faute d’agir rapidement et efficacement, nous nous exposons à des catastrophes apocalyptiques : inondations, disparition de terres arables, famines, épidémies, guerres, sans parler de l’extinction massive d’écosystèmes et d’espèces animales.

Le protocole de Kyoto

Alertés en 1990 par le premier rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), 154 Etats réunis lors de la grande conférence de l’Organisation des Nations unies sur l’environnement à Rio, ont accepté le principe d’une réaction internationale dont objectif était d’ « atteindre une stabilisation des concentrations des gaz à effet de serre à un niveau tel qu’une perturbation dangereuse du climat en raison de l’activité humaine ne puisse se produire. » En 1997, à la Conférence de Kyoto, 168 pays ont signé un protocole de réduction des gaz à effet de serre. Ce protocole impose notamment à 39 pays occidentaux et est-européens de réduire en 2008-2012 de 5,2% en moyenne leurs rejets de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Pour faciliter leur tâche, le protocole a prévu des « mécanismes de flexibilité », qui permettent notamment aux pays riches de financer des technologies propres dans les ex-pays communistes ou dans le tiers monde et de recevoir en échange des crédits d’émission. Ces objectifs sont actuellement très loin d’être réalisés : les Etats-Unis (4 % de la population et 22 % des émissions de CO²) affichaient pour l’année 2001 un accroissement de 3,1 % de leurs émissions de gaz à effet de serre (la plus forte progression annuelle depuis 1990). Quant aux Européens, s’ils ne prennent pas de mesures rapides, ils ne sont pas prêts non plus d’atteindre leur but. Pourtant, l’objectif retenu par le protocole de Kyoto est dérisoire, la commission spéciale des Nations unies a déterminé que les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines devront diminuer de 60 à 80 % pour stabiliser les concentrations dans l’atmosphère à leur niveau de 1990.

Avatars de Kyoto

Quant aux mécanismes transnationaux de développement propre et de flexibilité, ils semblent pour l’heure servir surtout d’échappatoires grâce auxquels les pays les plus riches peuvent avoir recours aux droits d’émission, en lieu et place de la réduction effective des émissions de gaz à effet de serre dans leur politique nationale, en créant un véritable marché des « droits à polluer ». En effet, alors qu’il est prévu que ce mécanisme n’entre en vigueur qu’en 2008, le courtage de ces permis est un secteur spéculatif déjà florissant. Echecs et désillusions La Conférence de La Haye sur les changements climatiques s’est soldée, en novembre 2000, par un échec. Les Etats-Unis se sont retirés des négociations entraînant l’Australie, le Canada, et leJapon. De même, en juillet 2001, les animateurs d’une nouvelle conférence climatique, à Bonn, furent obligés de faire des concessions supplémentaires sur les droits à polluer afin de « sauver » le protocole de Kyoto. Comme on le voit, l’objectif ambitieux qui a conduit à la mise en place d’une réaction internationale semble oublié et à l’inefficacité des mesures prises dans le cadre du protocole de Kyoto s’ajoutent des effets pervers considérables, dont la récupération par le lobby nucléaire n’est qu’un exemple. Connaissant les principaux composants de l’effet de serre « additionnel » et leurs origines, on peut raisonnablement se poser quelques questions, notamment sur la non prise en considération du secteur des transports dans les mécanismes de réduction des émissions.

Les vraies causes

En effet, le dioxyde de carbone résulte essentiellement de la combustion des énergies fossiles. Tous les scientifiques savent maintenant que les gaz à effet de serre proviennent en majeure partie du pétrole, et principalement des transports, automobiles et camions. En France, plus de 35 % des émissions de gaz carbonique proviennent des transports. Pourtant, l’industrie automobile se porte bien et personne ne semble prêt à s’attaquer à la sacro-sainte voiture individuelle. De même, on oublie souvent de citer l’impact croissant sur la biosphère des transports liés à la poussée du commerce international, mondialisation oblige. En Suisse, le transport de marchandise augmente plus vite que la croissance économique : plus 115 % de 1970 à 2000. De même, le fret a augmenté de 30 % de 1991 à 1999 dans l’Union européenne, soit deux fois plus vite que le PIB. Sans compter que si pour l’instant le gros du commerce international repose sur les pays occidentaux, la stratégie mondiale de développement basée sur l’essor des exportations des pays du Sud, va accélérer encore cette tendance à la hausse. Pourtant, le protocole de Kyoto n’inclut pas les émissions liées au trafic aérien ou maritime, rien n’est donc prévu pour les maîtriser et tous les intérêts économiques immédiats s’opposent à une régulation des transports.

Fausse piste

Dans ce contexte, on comprend mal comment le nucléaire, qui représente 2 à 3% de la consommation finale de l’énergie consommée dans le monde et n’exerce qu’une influence du même ordre, c’est-à-dire marginale, sur les émissions de carbone, pourrait avoir une incidence sérieuse sur le climat, c’est une question d’ordre de grandeur. De plus, il paraît évident que l’idée de remplacer une part significative de la consommation énergétique mondiale, dans le futur, par l’énergie nucléaire relève d’une utopie technologique et économique. Il faudrait construire très rapidement plusieurs milliers de réacteurs, ce choix représenterait un coût d’investissement colossal estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros et impliquerait un niveau extrêmement élevé de risque d’accident, sans oublier les questions insurmontables du stockage des déchets radioactifs et de la prolifération de substances radioactives. Nous savons au surplus que les réserves d’uranium 235, seul combustible naturel fissile exploité dans les centrales nucléaires, voit sa durée de vie limitée, avec la consommation actuelle, à 68 ans pour les ressources récupérables à un coût correct, et à 118 ans pour ses ressources ultimes. Multiplier la production d’électricité nucléaire par 10 revient à diminuer d’autant la durée de ces réserves soit une dizaine d’années tout au plus. Ensuite, les émissions de gaz à effet de serre de la filière nucléaire doivent être estimées en prenant en compte tout ce qu’implique le choix du nucléaire, et non en se limitant aux centrales elles-mêmes. Le nucléaire ne produit que de l’électricité, alors qu’une partie importante des besoins énergétiques des sociétés modernes concerne la chaleur (ou le froid). Economies d’énergie Différentes études, dont celles de la très officielle Agence internationale de l’énergie (AIE), montrent que les pays riches peuvent réduire assez facilement de 50% leur consommation énergétique. Seul problème : les lobbies pétroliers et nucléaires n’ont d’autre objectif que de faire consommer toujours plus. Les pays ayant recours au nucléaire figurent d’ailleurs parmi les plus gros émetteurs de CO2 au monde, parce que les centrales de grande taille, qu’il s’agisse ou non de centrales nucléaires, ont tendance à conduire à des surcapacités structurelles à long terme et à une stimulation de la consommation d’électricité au lieu de favoriser son utilisation rationnelle. Nous pouvons donc conclure qu’une importante réduction de la consommation ne peut être mise en oeuvre que simultanément à un plan de sortie du nucléaire, car le nucléaire crée la consommation autant qu’il y répond. On annonce d’ailleurs 30% d’augmentation de la consommation électrique française d’ici 2010.

Quelles solutions ?

C’est un fait que les énergies renouvelables ne peuvent en aucun cas actuellement permettre de produire l’électricité dont nous aurions besoin en arrêtant le nucléaire. Cela signifie qu’il faut utiliser au maximum de leurs capacités les sources dont on dispose actuellement. C’est justement sur ce point que le nouveau discours « écolo » des promoteurs du nucléaire dévoile son aspect le plus dangereux car, sous prétexte de ne pas augmenter les émissions de gaz à effet de serre, on est en train de démanteler ou de tourner le dos à d’autres filières soi-disant plus polluantes. En France par exemple, EDF veut démanteler des centrales à fioul et charbon afin de réduire la puissance de production électrique de cette filière de plus de 40% pour éponger sa surcapacité nucléaire actuelle et rendre inéluctable le recours au nucléaire vers 2010 lors du renouvellement du parc. Il existe pourtant un procédé mis au point sur les chaudière des centrales à charbon, dit LFC (à lit fluidisé circulant), qui est un des meilleurs procédés « charbon propre » exploités dans le monde aujourd’hui pour produire de l’électricité. Ce procédé de combustion du charbon rend négligeable la pollution par les poussières, soufre et oxydes d’azote. Toute installation existante à charbon peut être modernisée rapidement en remplaçant la chaudière par une chaudière LFC. Avec l’hydraulique et les installations du thermique classique qui existent encore aujourd’hui, on pourrait immédiatement arrêter environ 70% du nucléaire en France Une solution consisterait donc à imposer des économies d’énergie (surout dans les pays riches), des énergies renouvelables (partout) et, en transition, les centrales au gaz avec cogénération et au charbon. L’Öko Institut allemand a montré que la filière nucléaire produit 35g d’équivalent CO2 par kWh, or le cabinet Wise Paris établit que cette valeur correspond exactement à la filière gaz naturel avec cogénération.

Décroissance

Entre 1973 et 2000, la consommation d’énergie du monde a augmenté de 65 %. A ce rythme, les besoins planétaires seront multiplié par 2.4 d’ici 2050. Et après ? Cette croissance ne pourra pas durer éternellement dans un monde aux dimensions et aux ressources mesurées. Quant à la progression de la production nucléaire, elle est parallèle dans sa forme à la progression de la consommation d’énergies fossiles. Ce qui suggère que le nucléaire n’est pas une alternative, mais une composante du problème. Ainsi, le choix n’est pas entre nucléaire ou effet de serre, mais entre la poursuite du mode de développement de la seconde moitié du siècle dernier (qui signifie nucléaire plus effet de serre) ou un arrêt de ce type de développement.

Lueurs d’espoir

Serions-nous capables freiner le processus de réchauffement si nous agissons maintenant ? Nous pouvons adopter individuellement de nouveaux comportements dans la vie de tous les jours, qui, sans toucher à notre confort, préserveront notre environnement et réduiront également nos dépenses financières. De plus, nous pouvons exiger collectivement des pouvoirs publics et de l’Etat la mise en œuvre de mesures et d’actions allant dans le sens de la lutte contre l’effet de serre. A Genève, le tout récent plan directeur de l’énergie - sorte de mode d’emploi édicté par le service cantonal de l’énergie pour chaque utilisateur privé ou public - prévoit, « dans le cadre des buts inspirés des engagements de Kyoto », d’écarter totalement les sources d’origine nucléaire de l’approvisionnement du canton. Pour ce faire, le plan met en premier lieu l’accent sur la lutte contre le gaspillage. Il s’agit ensuite de mieux construire ou rénover, de développer le solaire thermique, de mettre en place des projets de grande envergure - comme la géothermie des profondeurs, les planifications énergétiques territoriales ou la valorisation du bois – d’avoir recours à l’énergie solaire photovoltaïque ainsi qu’à une nouvelle structure tarifaire de l’électricité encourageant les consommateurs « intelligents ».

Place aux alternatives

Il y a environ 15 ans que les climatologues nous avertissent des dangers du réchauffement de la planète et pourtant nos dirigeants, pressés par les industriels, ne cessent de tergiverser. Les mesures visant à limiter l’émission de gaz à effet de serre prises suite au protocole de Kyoto ne sont que très partiellement appliquées, les Etats-Unis ayant même très clairement signifié au monde, tout en refusant purement et simplement de ratifié ce protocole, qu’aucune mesure ne pourrait être envisagée si elle devait mettre en cause l’économie du pays. Les priorité sont claires. En règle générale, des années séparent la perception de la nécessité d’une réponse à un problème important, la planification, les recherches et le développement d’une solution et sa mise en oeuvre. Pourtant, des mesures anticipées, basées sur une connaissance des faits, peuvent améliorer les chances de disposer des technologies appropriées en temps utile. Plus les réductions des émissions seront importantes et plus elles seront mises en oeuvre tôt, plus le réchauffement climatique et l’élévation du niveau de la mer pourront être réduits et ralentis. Une augmentation plus lente de la température moyenne mondiale et de l’élévation du niveau de la mer donnerait également plus de temps pour s’adapter. Dans ce contexte, le recours au nucléaire n’offre non seulement aucun début de solution, mais en plus il déplace le problème du réchauffement de la planète. Il est urgent de trouver des moyens de le ralentir, les pseudo-solutions, celles qui ne sont pas susceptibles de remettre en question notre mode de vie, ne peuvent rien pour nous, au contraire en prenant la place de véritables alternatives, elles contribuent à augmenter la gravité de la situation.

Fabienne Gautier

Un grand merci à toutes celles et tous ceux dont je me suis inspirée : Réseau Sortir du Nucléaire, Le Monde Diplomatique, SEBES, Negawatts, Roger Belbéoch, La Revue durable ...

 
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