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Articles par thèmes :
Climat
Journal par No :
No 88, décembre 2008
Auteurs :
Guy Demenge
No 88, décembre 2008
Publié le lundi 3 mars 2008

Effet de serre, chaudron et marmites nucléaires

L’humanité ressemble de plus en plus à des grenouilles nageant en rond dans un chaudron et dont l’eau, insensiblement, se réchauffe. Toutes occupées à enfoncer leur proche voisine pour gagner une meilleure place, ces braves grenouilles « positivent » et, avant tout, évitent de penser à l’avenir. Certaines, rares, savent… mais se taisent afin de conserver leur pouvoir, leur prééminence.

Une seule petite reinette, s’efforce de nager à contre-courant pour clamer une évidence : qu’à force de se réchauffer, l’eau allait devenir un piège mortel ! Cette petite prophétesse de malheur surnommée : « la grenouille des cavernes », devint la risée publique. Plus tard, quand la réalité du réchauffement fut patente, hébétées, à moitié cuites et asphyxiées, les grenouilles réalisèrent que le chaudron de rechange qu’on leur avait promis n’existait pas. Amollies par la chaleur, elles n’avaient plus la détente qui caractérise l’espèce grenouille, et aucune ne put se sauver.

Ne serions-nous pas semblables à ces petits batraciens si, de plus, nous n’étions en réalité qu’une ribambelle d’enfants avides, aveuglés… et conduits par des aveugles. Des enfants amoureux de ces contes roses qui promettent de futurs paradis selon le célèbre adage : demain on rasera gratis.

Le nucléaire va-t-il nous sauver du réchauffement climatique ?

Rares sont maintenant les personnes qui osent prétendre que le réchauffement de la planète, scientifiquement constaté, est uniquement d’origine naturelle et correspondrait à des variations cycliques du climat. La courbe de forme asymptotique (celle qui d’abord plate pour un temps, se met soudain à grimper au mur) – de l’augmentation du gaz carbonique (CO2) de l’atmosphère et mesurée avec exactitude depuis 1750 – cette courbe est superposable à celle liée à l’explosive croissance de la consommation des énergies fossiles. La montée de cette dernière correspond à l’avènement (1850) de l’ère industrielle. Pour nous, de la « Romandie », les conséquences de ce réchauffement sont visibles au premier coup d’œil : sur les pics entourant le Mont-Blanc, les glaces estivales qui garnissaient leurs faces nord et en faisaient des joyaux étincelants, s’en sont allées. Ces faces, notre gagne-pain de guide de montagne, et aussi, le bonheur de nos jeunes années, ne sont plus que pentes livides, impraticables, car, dénudées, elles n’offrent plus que des plaques de roches pourries. Il en est de même au Kilimandjaro, les versants glaciaires et leurs magnifiques itinéraires sont réduits à l’état de souvenirs photographiques… et des mythiques neiges qui couvraient le « Kibo-crater »… il ne reste que des « confetti ». La mission scientifique de cet été sous le Pôle Nord a pu effectuer à l’envers de la banquise, une série de forages et de sondages radar ou acoustiques ; grâce soit rendue à la « Royal-Navy » qui a prêté le submersible ad hoc. Conclusion : très probablement, d’ici 2030, une balise flottera sur ce pôle, autour de laquelle, vireront de bord les voiliers des courses océaniques.

Le bluff de 9 fois moins de « gaz à effet de serre » que l’hydraulique !

Le lecteur nous pardonnera cette parenthèse climatique. Revenons à nos vieilles ou nouvelles ? salvatrices marmites nucléaires dont, paraît-il le kWh produit émettrait 8,7 fois moins de CO2 * que celui issu de nos barrages ! Comme l’a dit Michel Bernard, rédacteur de la revue Silence à Lyon :… nul n’ignore que l’uranium arrive tout naturellement dans le cœur des centrales, alors qu’il faut dépenser énormément d’énergie pour faire tomber neiges et pluies sur les Alpes. Mais aussi étrange que cela puisse vous paraître ; ce bluff – sur un nucléaire n’émettant pas de CO2 (nous y reviendrons prochainement) – ce bluff n’est pas le problème principal dans cette indispensable lutte pour la survie de l’humanité. * référence AIEA Vienne 2 et repris par Areva

Chiffres à l’appui, nous devons agir en priorité sur les pourcentages majeurs de nos productions, de nos consommations et responsables de l’effet de serre.

Voici quelques exemples :

En 2003, la consommation de pétrole dans le monde a été 3 637 millions de tonnes 1 (Mtep), soit 36 % du total brut de toutes les énergies utilisées. Les transports, tous modes confondus, sont assurés à plus de 95 % 2 par ce pétrole. Ces transports ont consommés près de 60 % de l’huile extraite (ev. 2 070 Mtep) et 26 % de la consommation finale d’énergie 3 (finale veut dire : celle qui s’inscrit sur les compteurs et les jauges des usagers). A vue humaine et contrairement à ce que des utopistes laissent espérer : pour les transports, rien, réellement rien, ne peut, ne pourra, remplacer l’or noir, car il est seul à posséder à un degré élevé une qualité dénommée portabilité ;4 ce qui veut dire : la plus grande quantité d’énergie par litre ou tonne de carburant. C’est ce qui permet 800 km sans passer à la pompe ou, pour un gros jet, 15 000 km sans escale. On peut même dire que sans kérosène ces jets resteront pour de bon sur les tarmacs.4

Comme nous allons nous retrouver face à une production d’huile comme de gaz inexorablement décroissante et que (si l’on est pourvu d’un minimum de sens moral) nous ne pouvons envisager d’en priver complètement notre progéniture, il ne nous reste qu’à changer nos habitudes : réduire notre kilométrage annuel (surtout en jet), renoncer à l’ostentation (la frime) et se contenter en ville et en banlieue des transports publics, de la bicyclette et pourquoi pas des pieds ! et quand ce n’est pas possible, du véhicule le plus modeste possible en surface, poids et puissance.

Nous consommons beaucoup de transports en mangeant. Un pot de yaourt, goût bulgare, parcourt en moyenne trois mille km avant de venir sur notre table. En pleine saison des pommes (septembre), les grandes surfaces en proposent venant du Chili ! Dans les transports tous modes confondus, la part du transport routier est de 30 %, soit près de 8 % 5 de la consommation totale, finale d’énergie ; et l’industrie agroalimentaire en est le premier client. Acheter local est donc un impératif de survie.

2ème exemple :

Dans nos contrées, le deuxième poste de consommation est celui du chauffage et service d’eau chaude. Ces postes, ainsi que l’éclairage, la réfrigération et tout l’électroménager peuvent être réduits de moitié, voire des deux tiers, avec, non pas baisse, mais amélioration concomitante du confort. Si vous n’y croyez pas, allez-voir ce que nos amis allemands ont déjà réalisé dans la toute proche, charmante, accueillante et gastronomique ville de Freiburg ! Faut-il préciser que l’économie réalisée dans le domaine du transport doit, en priorité, être affectée à la réhabilitation thermique de l’habitat et à l’amélioration du rendement énergétique de l’équipement électrique. Toutes les technologies sont déjà là. Ces améliorations sont à leur tour génératrices d’économies énergétiques et financières… qui nous font rentrer dans le cercle vertueux. Si nous n’y rentrons pas, il n’est pas besoin d’être devin pour imaginer que cela se fera à l’aide de tickets de rationnement, répression féroce des abus… et nous rentrerons dans un cercle d’autoritarisme … Elementary my dear !

Quid de l’électricité et du nucléaire dans ce bilan énergétique de 2003 ? Dans les centrales thermiques puis électriques, la triple conversion du combustible vers la chaleur, puis vers la force motrice enfin, vers l’électricité… engendre des pertes de l’ordre de 63 % (charbon pulvérisé) à 71 % (nucléaire) pertes évacuées en chaleur, puis dissipées inutilement dans les rivières, les mers et finalement dans l’atmosphère. Ces pertes correspondent à la différence des tonnages décomptés en consommation mondiale brute (10 140 Mtep) et finale (7 938 Mtep). Pertes qui s’élèvent donc à l’équivalent de 2 202 millions de tonnes de pétrole.6

Quelle est la part de l’électricité dans la consommation finale ? Toujours pour 2003 et en milliards de kWh (cela s’écrit téra = Twh) les chiffres sont de : production,16 663 TWh et consommation, 14 597,5 TWh (la différence tient à la perte en chaleur dans le réseau de distribution). Convertie en « tep » la consommation a été de 1 255,4 Mtep soit 15,8 % de la consommation finale mondiale. (10 % de moins que celle des transports).7 Toujours pour l’électricité finale consommée, et selon les chiffres de l’Agence Internationale de l’Energie (WEO), la répartition s’établit ainsi : (total 100 %) Thermique classique (combustibles fossiles, bois et déchets végétaux) : 68.6 % ; Nucléaire : 15.6 % ; Hydraulique : 15.5 % et enfin, énergies nouvelles : 0.3 %. Par rapport au total des énergies consommées, toujours en final, les parts respectives du nucléaire et de l’hydraulique ne s’élèvent qu’à 2.47 % et 2.45 %.8

Qu’en sera-t-il avec la relance du nucléaire ? Toujours selon (WEO), la relance ne compensera même pas la mise au rebut de quelques centaines de « vieilles casseroles ». Toujours selon (WEO), en 2030, si le prochain accident majeur n’a pas contaminé irrémédiablement un ou deux continents, la part du nucléaire, toujours en final ne sera plus que de 1.67 % (en brut, se réduira de 5.9 à 4 %).9

Avec des pourcentages aussi « ténus » l’action du nucléaire tend vers zéro… n’est-ce pas ? Et bien non c’est inexact, car l’argent se fait rare et le prix de « chaque » kWh nucléaire installé (2 126 euros, Commission Ampère, Le Monde du 26 juin 2001) nous prive des moyens financiers d’en économiser « 5 » rien qu’en réhabilitation thermique… et Monsieur le Maréchal de La Palice (1470-1525), aurait pu dire : « que les kWh qui dégagent le moins de gaz à effet de serre sont ceux qui ne sont pas produits ». Un dernier mot : selon nos amis de Vancouver, (l’université) : « cette réhabilitation procure, à coût égal, onze fois plus d’emplois que le nucléaire »… et les cancers ? ne serai-ce pas onze fois moins que l’atome, toutes émanations, « pépins » et déchets confondus ? 10

Article issu de l’opus : Quid de l’énergie , Voyage au Royaume de l’Intox ! en cours d’édition.

Notes :

1 Dictionnaire Quid, 2005, p.1681a

2 Q05, p.1704c

3 World Energy Outlook, Paris 2004, p.84-85 – Ministère français de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, L’Energie en France, repères, Paris 2004, p.8 – et Pétrole apocalypse, Yves Cochet (ex ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement du gouvernement Jospin). Ed. Fayard 2004, p.64 et 241-242

4 Idem, p.136 ; (et pas les agri-carburants qui affament le monde avant de le détruire)

5 Q05, 1704c – et Pet. Apo, Op.cit. p.68

6 WEO, op.cit.p.59 – Pet. Apo, op.cit.p. 20 et suivantes – Q05, p.1684ab ; 1692-1693 ; 1697c ; 1700ab ; 1701 ; 1705 ; 1706a ; 1708-1709

7 Equivalence dites (des physiciens) : 1kWh = 86 g de pétrole. – Q05,op.cit. p.1684a – et WEO, op.cit.p. 59 et suivantes

8 Idem,

9 Idem

10 Anticipation for next Century, Research and Documentation Partnership of Socio-Ecology (CRDSE), Stove, Vermont (USA), Montpelier Ed. 1996, p.134.

Post scriptum : Comparées aux moyennes des pourcentages d’électricité, générale puis nucléaire, dans la consommation totale finale mondiale : Elec. gén. 15.8 % ; nucléaire 2.47 %. celles de la Suisse s’établissent à : 20.9 % et 8.85 %. et celles de la France à : 19.8 % et 14.65 %. Pour le nucléaire, ces % représentent pour la Suisse près de 3.6 fois la moyenne mondiale… Pour la France, championne incontestée, près de 6 fois cette moyenne. C.H. : (8.85/20.9 = 42.3 %).

 
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