No 81, avril 2006
lundi 1er octobre 2007
par ContrAtom

Chères, chers ContAtomistes,

A 1h23, dans la nuit du 26 avril 1986, le coeur du quatrième réacteur atomique de la centrale ukrainienne de Tchernobyl s’emballe. Deux explosions font voler l’édifice en éclats. C’est le plus grave accident du nucléaire civil de tous les temps. Le combustible radioactif brûle pendant plus de dix jours, rejetant un nombre uncalculable de radioéléments équivalents à des centaines de fois la bombe d’Hiroshima. C’était il y a 20 ans... 20 ans de souffrance pour les populations touchées par ce cataclysme ! Aujourd’hui, des millions de personnes souffrent encore et toujours des conséquences de cette catastrophe qui va marquer à tout jamais l’histoire de l’humanité.

Il est de toute première importance de se souvenir, année après année, de ce terrible accident car s’il est malheureusement impossible d’en gommer les conséquences, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise.

Nous sommes tous tombés, un jour ou l’autre, et avec quel effroi, sur ces abominables photos montrant les conséquences atroces de ce cataclysmes sur le corps humain. Ces photos d’enfants atteints de troubles incurables, inconnus de la science, aux frontières de la réalité, ces enfants sans jambes, sans bras, présentant d’énormes tumeurs, ces corps d’enfants aux souffrances inégalées, victimes innocentes de la folie technocratiques des hommes.

Non, Tchernobyl n’est pas un anniversaire, Tchernobyl ce n’est pas « il y a 20 ans », Tchernobyl c’est maintenant et pour toujours les suites éternelles des dommages causés par la radioactivité ! Nous voilà donc prévenus !

Et pourtant, les thèses officielles continuent à minimiser les effets dévastateurs de la radioactivité. Pas plus tard qu’au mois de septembre 2005, l’ONU rendait public un rapport de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique), cosigné par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), minimisant de façon scandaleuse le bilan de la catastrophe : pour ces deux organismes marchant main dans la main, Tchernobyl se résume à 56 morts et 4000 cancers de la thyroïde, dont 99% sont guéris ! Comment souscrire aux affirmations suivantes : « Dans la plupart des zones concernées, la radioactivité a retrouvé ses valeurs normales et la grande majorité de la population ne doit pas vivre dans la peur de graves conséquences dues à l’exposition aux radiations à la suite de l’accident » ? Ou encore : « les doses étaient si faibles, il a été impossible d’établir la preuve de quelconques effets sur le nombre d’enfants morts-nés, de grossesses non menées à terme, de complications à l’accouchement ou sur l’état de santé général des enfants », « …aucune indication d’une augmentation des malformations congénitales pouvant être attribuées à une radio-exposition n’a donc pu être établie », « il semble que l’augmentation modeste mais régulière des malformations congénitales signalées tant dans les zones contaminées que dans les zones non contaminées du Bélarus soit liées à une amélioration de la qualité des rapports établis sur la question et non aux rayonnements. »* Révoltant !

Cette campagne de désinformation est logique puisque la mission première de l’AIEA est de promouvoir l’énergie nucléaire dans le monde et d’accélerer son développement ! Comment pourrait-elle, dans cette optique, mettre en lumière la terrible réalité, sans installer le doute dans l’opinion publique ?

Là où le nucléaire passe, la démocratie trépasse : les dirigeants des pays dotés de l’énergie nucléaire n’ont aucun intérêt à affoler leurs populations. La durée de vie de nos cinq vieilles casseroles nucléaires doit pouvoir être prolongée, les déchets radioactifs enterrés sans problème, un nouveau réacteur (EPR) doit se construire à Flamanville en Normandie, les puissances possèdant des bombes atomiques ne veulent pas s’en défaire. La relance du nucléaire est à l’ordre du jour : voilà le remède souverain contre l’effet de serre et la pénurie de pétrole !! Qui donc a peur de la radioactivité ?

Allons-nous laisser l’histoire se faire sans nous ? Nous devons aux victimes de la catastrophe de Tchernobyl d’empêcher tout nouvel accident nucléaire. En tant que citoyens du XXIème siècle, il en va de notre responsabilité. Mobilisons-nous, il y a urgence ! Vive la résistance citoyenne au nucléaire !

Anne-Cécile Reimann

* Communiqué conjoint OMS/IAEA/UNDP Vienne le 7 septembre 2005