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Articles par thèmes :
Centrales suisses
Articles par pays :
Suisse
Journal par No :
No 75, octobre 2004
Auteurs :
Anne-Cécile Reimann
No 75, octobre 2004
Publié le lundi 8 octobre 2007

AC Reimann :


Suppression du droit de référendum sur les constructions de nouvelles centrales ?

Il est trop tard pour s’opposer à la LENu et à son ordonnance

En refusant nos deux initiatives pour sortir du nucléaire en mai 2003, le peuple suisse acceptait ipso facto et sans peut-être le savoir, la nouvelle loi sur l’énergie nucléaire (LENu) promulguée par nos autorités en mars 2003. Le seul moyen d’empêcher cette loi d’entrer en vigueur aurait été de lancer un référendum comme le suggérait ContrAtom. Hélas, nous n’avons pas été suivis et c’est la mort dans l’âme que nous avons dû capituler. Le délai référendaire de 100 jours, inutilisé, a pris fin le 4 septembre 2003. A la LENu donc d’entrer en action. L’application de toute nouvelle loi s’accompagne d’une ordonnance édictée par le Conseil fédéral qui règle les détails et apporte parfois certaines modifications. Cette ordonnance est à son tour soumise à consultation des cantons, partis et organisations intéressées. Dans le cas qui nous occupe, cette procédure est arrivée à échéance le 13 août 2004. Il est prévu de faire entrer en vigueur la nouvelle loi sur l’énergie nucléaire et l’ordonnance qui l’accompagne, l’OENu, le 1er janvier 2005. Or, ces deux projets sont proprement scandaleux. Non seulement ils ne fixent en aucune manière une durée limite d’exploitation de nos vieilles casseroles nucléaires, mais ils permettent la construction de nouvelles centrales, alors qu’aucune solution satisfaisante n’est encore trouvée (et ne sera d’ailleurs jamais trouvée) pour la gestion des déchets radioactifs qui s’accumulent année après année. La seule proposition faite pour les déchets radioactifs est tout simplement inacceptable : l’entreposage définitif en couche géologique profonde est un crime à empêcher à tout prix. L’OENu n’exclut pas non plus la possibilité d’une « élimination » des déchets à l’étranger, espérant ainsi venir à bout des réticences des populations à voir des déchets enterrer sous leurs pieds. Cette population est d’ailleurs bernée à souhait, puisque les autorités fédérales lui ont enlevé le droit de veto cantonal en matière d’entreposage de déchets radioactifs. Dorénavant, le sous-sol appartient à la Confédération et les habitants concernés n’ont plus qu’à la boucler ! Par contre, pour calmer le bon peuple, la LENu lui octroi le droit de référendum national pour toute nouvelle construction de centrale nucléaire. Vraiment ? Lisez ceci : « Le référendum sur les nouvelle centrales nucléaires a été ancré dans la loi sur l’énergie nucléaire, seules des installations présentant un faible potentiel de danger ne doivent pas passer devant le peuple.

Une valeur limite 1000 fois trop élevée

Le Conseil fédéral détermine ce « faible potentiel de danger » au moyen d’une valeur limite. Et voilà que dans l’ordonnance qui nous occupe, il estime la valeur limite à 100 millisieverts (mSv) d’irradiation après un accident nucléaire. C’est une valeur de risque beaucoup trop élevée ! A titre de comparaison, notons que dans le cas de l’EPR (European Pressurized Reactor), il faut théoriquement compter avec une irradiation de 0,1 mSv après un accident. La valeur limite du Conseil fédéral est donc 1000 fois trop élevée. Cela permettrait à coup sûr de supprimer entièrement le droit de référendum parce que cette valeur limite exagérée ne rendrait jamais possible le lancement d’un référendum, les nouvelles centrales nucléaires étant toutes considérées comme ne présentant qu’un faible potentiel de danger par rapport à la valeur limite. Et voilà comment on roule les citoyens dans la farine ! Le 3 septembre dernier, Greenpeace Suisse a demandé à M. Leuenberger d’établir clairement qu’il ne tolérera pas la suppression du droit de référendum sur la construction d’une nouvelle centrale. Il a rétorqué qu’il se donnait du temps pour répondre. Greenpeace s’est donc vu dans l’obligation d’insister en lançant une lettre ouverte contenant les questions suivantes : Les spécialistes dans les offices fédéraux ont-ils informé le Conseil Fédéral que cette valeur limite excessivement élevée annulerait de fait le référendum facultatif sur la construction d’une nouvelle centrale et est-ce vraiment l’intention du Conseil fédéral de supprimer en douce ce droit démocratique ? Si ce n’est pas le cas, est-il possible que les sbires de l’énergie atomique des offices fédéraux l’aient intentionnellement induit en erreur ? S’il s’agit d’une inadvertance, est-il encore possible de faire confiance aux fonctionnaires des offices fédéraux, qui font de telles erreurs d’amateurs pouvant avoir des conséquences aussi graves ? Ah oui vraiment ! On est dans de beaux draps avec la LENu

Anne Cécile Reimann


Quoi de neuf du côté de nos vieilles casseroles nucléaires ?

Les réacteurs helvétiques, avec une moyenne de 28 ans d’exploitation, font partie intégrante du problème mondial de vieillissement du parc nucléaire. Par leur grande diversité de types, de conceptions et d’âges, les cinq réacteurs suisses offrent même un aperçu très représentatif de la question du vieillissement des centrales nucléaires.

Jusqu’à présent nous avons eu de la chance … mais jusqu’à quand ? J’ai constaté plus d’une fois, avec étonnement, que pas mal de mes concitoyens ignoraient l’existence même de nos cinq centrales nucléaires. « –Tiens, on a des centrales atomiques en Suisse, pas possible ! » Pas étonnant dès lors que la plupart des habitants de ce pays ne sachent rien ou presque de l’état de vieillissement de ces dernières. « En Suisse, tout est propre en ordre, on ne risque rien ! » On a souvent parlé de Mühleberg et de ses 2 mètres de fissures sur la jupe du cœur, retenues par des agrafes. « A Mühleberg, une seule chose de sûr, les fissures ! » Mühleberg, c’est un peu notre cheval de bataille à nous autres Romands, parce que c’est la centrale la plus proche de nous, mais on n’aurait bien tort de ne pas s’inquiéter des autres installations, tout aussi « craignos ».

Prenons par exemple la centrale de Leibstadt (AG) et là je vais citer le communiqué de presse de Greenpeace du 1er juillet 2004 : « La DNS (Division principale de la sécurité des installations nucléaires) s’est donné tout un mois pour informer le public que, dans la nuit du 28 au 29 mai 2004, les opérateurs de la centrale nucléaire de Leibstadt ont commis deux graves négligences. » Les erreurs ont eu lieu lorsque le réacteur a été redémarré. La centrale avait effectivement dû être arrêtée pour permettre la réparation d’une fuite sur une soupape dans le circuit primaire. La DNS ne dit d’ailleurs pas pourquoi une telle fuite a pu se produire. Donc, dès 19 heures ce 28 mai, en infraction aux prescriptions, les opérateurs de la centrale nucléaire ont laissé ouvert des clapets d’aération destinés à isoler l’intérieur du bâtiment du réacteur de l’environnement. Peu avant 23 heures, lors du redémarrage du réacteur, ils ont donné « trop de gaz », ce qui a provoqué un dépassement du taux de réchauffement. Ils n’ont pas recalculé la limite de charge de la cuve du réacteur, ce qui est nécessairement prescrit. Durant la nuit de l’incident, la centrale nucléaire a émis en quelques heurs 4 fois plus d’iode radioactif que durant une semaine en 2003.

L’information qu’à donnée la DNS concernant cet « incident » : « les valeurs en iode étaient à environ 2% de la limite d’émission brève » est trompeuse et minimise l’incident, accuse Greenpeace. L’iode radioactif est normalement confiné dans la matrice des pastilles de combustible nucléaire. L’organisation écologiste a tout de suite supposé qu’outre les fautes rapportées, il devait y avoir d’importants défauts de barres de combustible. Le 30 juin 2004, soit un mois après l’incident, les autorités confirmaient la supposition de Greenpeace : une barre de combustible nucléaire a manifestement éclaté lors de l’arrêt du réacteur, provoquant cette émission d’iode 131 notablement supérieur à la normale. Ce n’est – et de loin pas – la seule fois que la centrale de Leibstadt est sur la sellette. En consultant une étude de la DNS qui porte sur les incidents qui se sont produits entre 1981 et 1992, on remarque que Leibstadt arrive en tête avec 24 erreurs dues à des actions erronées des opérateurs. Durant la révision de 2001, il a fallu signaler 3 petits incendies, de possibles fissures sur les soudures, un élément de combustible défectueux et des falsifications délibérées de protocole de sécurité.

Que s’est-il passé ? Des bâches de protection avaient été disposées lors des travaux de soudure pour éviter les projections d’étincelles et donc des incendies, mais les bâches n’étaient pas ignifugées et elles se sont enflammées !! Incroyable ! La falsification de protocole de sécurité reste cependant ce qu’il y a de plus inquiétant : deux opérateurs ont inscrit des opérations de contrôle qu’ils n’ont pas effectuées. Ils ont immédiatement été licenciés. Des mesures disciplinaires ont dû en outre être prise contre 3 collaborateurs. En 2002, la centrale de Leibstadt a diminué son budget de 18 millions de francs, ce ne fut pas sans conséquence : 15% des opérateurs ont démissionné, ce qui a provoqué un manque de personnel et l’accumulation de près de 200 heures supplémentaires pour certains collaborateurs ! Pas étonnant que les erreurs humaines se soient accumulées. En 2004, 5 autres événements louches sont encore venus noircir la réputation de la centrale de Leibstadt. On peut vraiment dire qu’avec Leibstadt, on a eu de la chance, mais jusqu’à quand ? Lâchons maintenant un peu les basques de Leibstadt qui en a pris pour son grade et intéressons-nous à Beznau II qui a demandé récemment à être mise au bénéfice d’une autorisation d’exploitation illimitée, bien qu’elle soit l’une des plus vieille centrale atomiques encore en activité. Depuis sa mise en service en 1971, le réacteur atomique de Beznau II n’a eu que des autorisations d’exploitation limitées parce que le refroidissement d’urgence de son cœur et sa protection contre les chutes d’avions et autres influences externes, comportaient de graves lacunes, nous apprend Greenpeace dans un communiqué du 14 juillet 2004. Malgré d’importantes mises à niveau, Beznau II a un évident déficit en matière de critères de sécurité. Ce réacteur présente un risque de fusion accidentelle du cœur 10 fois plus élevé que le réacteur plus récent de la centrale de Gösgen affirme Greenpeace. Et pourtant, la DNS conclut dans son rapport d’expertise que : « rien ne s’oppose à une première autorisation d’exploitation illimitée » malgré que Beznau II ait déjà à son actif 33 ans d’exploitation et soit parmi les plus vieux réacteurs atomiques de ce type. Ma parole, ils ont reçu le poque à la DNS !! Greenpeace lance un véritable cri d’alarme en appelant à la plus extrême prudence parce que personne n’a d’expérience dans l’exploitation de tels réacteurs atomiques de plus de 35 ans. Les éléments relevant de la sécurité sont en effet soumis à de fortes contraintes par le rayonnement neutronique et la pression de la température, sans compter des lacunes évidentes dans la connaissance des changements structurels de la matière dans de telles conditions. A partir de quand un réacteur atomique n’est-il plus considéré comme sûr ? Des valeurs limites claires en matière de sûreté doivent être impérativement fixées avec des marges de sécurité généreuses. C’est ce que demande Greenpeace au Conseil fédéral. On ne peut qu’approuver et espérer que Beznau II sera fermée le plus tôt possible. Jusqu’à présent nous avons eu de la chance avec nos centrales, jusqu’à quand ?

Anne Cécile Reimann

 
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