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Tchernobyl Youri Bandazhevsky Wladimir Tchertkoff
Articles par pays :
Russie - Europe de l’Est
Journal par No :
No 74, avril 2004
Auteurs :
Anne-Cécile Reimann
No 74, juin 2004
Publié le mardi 2 octobre 2007
  • Bandajevsky : la mobilisation ne faiblit pas
  • ContrAtom au Théâtre du Grütli

Bandajevsky : la mobilisation ne faiblit pas

Début avril, branle-bas de combat à ContrAtom : le Comité Bandajevsky de Grenoble nous alerte que, dans le cadre de la 60ème Commission des Droits de l’Homme en session à l’ONU, une intervention allait être faite demandant la libération de Youri Bandajevsky.

Saisissant la balle au vol, nous pondons dare dare un communiqué pour alerter les médias et préparons un envoi aux membres du Club des Cent (le Club qui monte ! Une centaine de personnes, ContrAtomistes ou non, qui se sont annoncées pour des actions urgentes) les invitant à nous rejoindre devant le Palais des Nations, le mardi 13 avril pour donner, par notre présence et nos banderoles, du relief à l’événement. A 14 heures donc, le jour-dit, une vingtaine de personnes se retrouvent devant l’ONU pour soutenir l’action des ONG françaises. L’ordre du jour de la Commission des Droits de l’Homme étant fluctuant et sans cesse chamboulé, le point Bandajevsky ne pourra être traité ce jour-là ! Les militants français accrédités pour parler au nom de France Liberté, devant repartir, il fut convenu que ContrAtom prendrait le relais. Or, ce ne fut ni le lendemain, ni le surlendemain, mais bien une semaine plus tard que le texte suivant put enfin être lu :

Monsieur le Président, France Libertés souhaite attirer l’attention de la Commission sur le cas du Professeur Bandajevsky emprisonné en Biélorussie, depuis juin 2001, pour avoir étudié les pathologies liées aux radiations dans un pays touché par la catastrophe de Tchernobyl, où la population se meurt et les médecins sont muselés. Médecin et anatomo-pathologiste, Youri Bandajevsky est nommé en 1990 recteur de l’Institut Gomel en Biélorussie, zone très touchée par les retombées de Tchernobyl. Il étudie, avec sa femme pédiatre et cardiologue, les effets du Césium 137 sur les enfants : maladies cardiovasculaires, cataractes, vieillissement précoce... Il découvre une relation quantifiable entre la dose de radioactivité mesurée dans l’organisme et la gravité des symptômes. En 1999, il rend publics ses résultats, au moment où beaucoup ont intérêt à tourner la page de Tchernobyl et veulent réhabiliter les territoires encore contaminés. En tant qu’expert, il est amené à critiquer l’usage, par les autorités, des fonds internationaux destinés aux suites de cette catastrophe. C’est peu après qu’il est arrêté en juillet 99, dans le cadre d’un décret « antiterroriste »…

C’est après 22 jours d’isolement total dans un cachot, sans avocat, qu’il apprend qu’il est accusé d’avoir reçu des pots-de-vin pour l’admission d’étudiants dans son Institut. On ne trouvera pas de preuves réelles, son principal accusateur s’étant rétracté, affirmant qu’il avait agi sous la contrainte. Après un procès devant un Tribunal militaire qui ne permet pas de voie de recours national et dans lequel les observateurs, dont l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), ont dénoncé de nombreuses irrégularités, Youri Bandajevsky a été condamné à 8 ans de prison à régime sévère. Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, saisi par ses avocats, a jugé son recours recevable. Mais, au-delà d’un procès inique, plusieurs forces se conjuguent dans cette affaire pour imposer le silence et maintenir Bandajevsky en prison :

  • les autorités biélorusses qui veulent réhabiliter des terres encore contaminées,
  • avec la complicité du lobby nucléaire qui veut faire croire que « Tchernobyl c’est fini »,
  • et la collaboration de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) par son absence sur le terrain pendant 5 ans, en raison de la signature d’un accord datant de 1959, qui la lie à l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), et empêche, par une clause de confidentialité, ces deux organismes de l’ONU de prendre une position publique qui puisse nuire l’une à l’autre… 18 ans après Tchernobyl, la liberté d’expression et le droit à la vérité sont bafoués, au détriment de la recherche scientifique sur les suites de la catastrophe que subissent toujours les populations environnantes. C’est pourquoi, pour faire reconnaître le droit à la recherche et à la vérité, le droit de la dire pour le scientifique, le droit de la connaître pour les populations, France Libertés demande à la Commission d’intervenir afin que le Professeur Youri Bandajevsky soit immédiatement libéré. Je vous remercie Monsieur le Président.

Une semaine passée à assister, par la force des choses, aux discussions de la Commission des Droits de l’Homme, voici qui ne vous arrange pas le moral ! Ces luttes d’influence perceptibles dans les débats, ces votes biaisés, cette politique de blocage systématique par rapport aux motions de condamnation à voter contre tel ou tel pays puissant économiquement parlant, toutes ces combines, c’est écœurant !

La Biélorussie sanctionnée

Une chose positive à relever malgré tout : la Biélorussie a été remise à l’ordre ! (elle ne dispose d’aucun allié parmi les puissances économiques). Voici un extrait de la résolution votée : « …la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU (..) prie instamment le gouvernement bélarussien (...) de libérer les scientifiques et les autres personnes détenues pour des motifs politiques, de cesser de harceler les organisations non gouvernementales, les partis politiques, les syndicats, les médias indépendants et les personnes qui militent en faveur de la démocratie et des Droits de l’Homme… » et toc ! La Commission décide de désigner un rapporteur spécial qui sera chargé d’établir des contacts directs avec le gouvernement et la population du Bélarus pour étudier la situation des droits de l’Homme dans ce pays et décide encore d’examiner cette question lors de sa 61ème session. C’est donc un bon point pour Youri Bandajevsky, reste à savoir si cela va être réellement suivi d’effets !

Anne-Cécile Reimann


ContrAtom au Théâtre du Grütli

Dans le cadre du beau spectacle de Philippe Lüscher Chronique d’un début de siècle, ContrAtom, invitée par le Théâtre du Grütli, a organisé deux soirées de discussions sur l’après-Tchernobyl en Biélorussie et sur la détention arbitraire du professeur Bandajevsky.

Chronique d’un début de siècle est un texte qui s’inscrit dans l’actualité immédiate. Philippe Lüscher a passablement voyagé dans les Pays de l’Est (Ukraine, Lituanie, Pologne, Bélarus et Russie) au cours de ces dernières années. Il en est revenu chargé de doutes quant à l’avenir de notre société occidentale et sans aucune illusion sur les mécanismes absurdes et terrifiants mis en place par les gouvernants pour gérer une catastrophe telle que Tchernobyl. La pièce met remarquablement en scène le mensonge qui se glisse entre les citoyens et le pouvoir. Elle renvoie aussi le spectateur à sa propre conscience, chacun semble en effet préférer oublier que des millions de personnes sont, aujourd’hui encore, contaminées dans ces pays.

Table ronde sur Bandajevsky

Le dimanche 9 mai, après la représentation de la pièce, dont le personnage central est justement Bandajevsky, une table ronde s’est installée sur scène avec comme invité-e-s : Wladimir Tchertkoff, journaliste et réalisateur, Daniel Bret, biologiste, Maryvonne David-Jougneau du Comité Bandajevsky, sociologue, et le professeur Michel Fernex, représentant de l’Association des Médecins pour la prévention de la guerre nucléaire. Le débat s’est engagé bien évidemment sur la personne du professeur Bandajevsky, sur ses recherches scientifiques liées aux pathologies découlant des radiations et sur ses découvertes dérangeantes pour les autorités biélorusses, si dérangeantes même qu’elles ont conduit l’éminent chercheur en prison.

La santé des enfants

Les enfants malades de Tchernobyl furent également au cœur de la discussion. Parce que leur alimentation est contaminée, les polluants radioactifs s’accumulent jour après jour dans l’organisme des enfants vivant sur les terres touchées par la catastrophe. L’irradiation permanente de leurs cellules provoque d’innombrables lésions qui sont à l’origine de pathologies très graves liées notamment à l’atteinte des défenses immunitaires et des organes vitaux. Les travaux du professeur Bandajevsky montrent qu’au-delà de 70 becquerels (Bq) de césium 137 par kilo de poids, moins de 15% des enfants présentent des électrocardiogrammes normaux. Or, dans cette région, de nombreux enfants ont des taux de contamination qui atteignent plusieurs centaines de becquerels. Pour aider ces enfants à se débarrasser du césium 137 contenu dans leur organisme, l’Institut « Belrad » (pour lequel travaillait Bandajevsky) a élaboré, avec l’aide de pharmaciens autrichiens et allemands, une nouvelle formule d’additifs alimentaires à base de pectine de pomme. La pectine de pomme s’est en effet révélée particulièrement efficace dans le processus d’élimination du césium radioactif.

L’administration d’additifs à base de pectine, commercialisés sous l’appellation « Vitapect » n’est évidemment pas une solution miracle. Mieux vaudrait reloger les familles dans des zones non contaminées, mais un tel projet impliquerait une mobilisation sans précédent des Nations Unies. Or, l’indifférence, sinon l’hostilité, sont la règle. Faute de pouvoir contraindre la communauté internationale à protéger efficacement les victimes de Tchernobyl en les soustrayant à leur environnement radioactif, il faudrait au moins entreprendre une vaste campagne de décontamination, notamment avec la distribution systématique de pectine. La CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité, basée à Valence) a lancé en 2002 une grande opération pour récolter les fonds nécessaires à des cures de pectine pour les enfants irradiés. ContrAtom a d’ailleurs participé à cette action en lançant un appel à soutenir matériellement la CRIIRAD dans son entreprise (V.ContrAtom n°64, juin 2001).

Tchernobyl c’est fini...

Malheureusement, rien n’est simple en Biélorussie où les autorités, loin de soutenir cette campagne, lui mettent des bâtons dans les roues, car organiser la distribution systématique de pectine reviendrait à reconnaître que ces enfants sont réellement malades, intoxiqués par la radioactivité ! Ce qui va à l’encontre des pronostics optimistes du gouvernement sur la réduction de la production des produits alimentaires contaminés et sur l’importance des effets nocifs de la radioactivité sur les enfants. Pour eux, Tchernobyl c’est du passé, tout est rentré dans l’ordre, les territoires contaminés sont dès lors sains et propres à être à nouveau habités et les terres cultivées ! Au secours !

Soirée cinéma

Le 11 mai : projection de deux films de Wladimir Tchertkoff suivie des commentaires passionés du réalisateur qui apporta mille et une précisions sur la situation en Biélorussie et sur celui qu’il défend avec fougue, le professeur Bandajevsky. Jean Rossiaud, militant antinucléaire de longue date et sociologue, souligna quant à lui le caractère gravissime de la catastrophe de Tchernobyl qui va marquer à tout jamais l’histoire de l’humanité. Il est de toute première importance de se souvenir, année après année, de ce terrible accident, car si on ne peut hélas pas en effacer les effets, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise.

Le sacrifice des liquidateurs

Avec Le Sacrifice, documentaire réalisé par E. Andreoli et W. Tchertkoff en 2003, on est au cœur même de la tragédie : dans la nuit du 26 avril 1986 et dans les mois qui suivirent, un million d’hommes, appelés liquidateurs, ont été lancés contre le réacteur de Tchernobyl en feu pour éteindre l’incendie et recouvrir les ruines de la centrale par un sarcophage improvisé, dans des conditions de radioactivité terrifiante. Ils ont combattu les radionucléides à mains nues, avec des pelles et des jets d’eau. Des dizaines de milliers sont morts et continuent de mourir. C’est l’un de ces liquidateurs que W. Tchertkoff a suivi d’année en année, de maux en maladies, de souffrances en douleurs, jusqu’à l’issue fatale. On assiste, le cœur serré et la gorge nouée à la lente métamorphose d’un homme qui, plein de vie et d’humour, se transforme en paralytique, puis, c’est sa femme qui le raconte, finit par se décomposer vivant ! Le plus terrible dans l’histoire, c’est que ces héros qui ont fait le sacrifice de leurs vies pour juguler l’ampleur de la catastrophe, se meurent dans la plus parfaite indifférence, sans aucune aide des pouvoirs publics et sans reconnaissance quelconque !

Complicités au sein de l’ONU

Le deuxième documentaire, Controverses nucléaires, réalisé en 2003, révèle l’existence d’un conflit d’intérêts entre deux agences des Nations Unies, directement responsables de la gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl pour la santé des populations contaminées. En effet, un accord signé en 1959 entre l’OMS (Organisation mondiale de la santé) et l’AIEA (Agence internationale pour l’énergie atomique) empêche l’OMS d’agir dans le domaine nucléaire si elle ne reçoit pas l’assentiment de l’AIEA. Formée de physiciens et non de médecins, cette dernière, dont l’objectif principal est la promotion du nucléaire dans le monde, est la seule agence qui dépende directement du Conseil de sécurité des Nations Unies, donc des grandes puissances. Elle impose ses diktats à l’OMS. Les deux agences ne reconnaissent jusqu’à présent que la mort de 32 pompiers dans les premières heures de la catastrophe, 200 cancers causés par irradiations aiguës et 2000 tumeurs de la thyroïde, comme seules conséquences de l’accident de Tchernobyl. Par contre, le Bureau des Nations Unies pour les affaires humanitaires partage l’avis de Kofi Annan qui estime à 9 millions les victimes et affirme que la tragédie de Tchernobyl ne fait que commencer. Dans le documentaire explosif de W. Tchertkoff on voit notamment le professeur Fernex qui dialogue avec le Dr Hiroshi Nakajima, ancien directeur de l’OMS. Ce dernier avance clairement qu’entre l’OMS et l’AIEA il n’y a aucun doute sur qui commande : pour tout ce qui concerne le nucléaire, tant civil que militaire, c’est bel et bien l’AIEA ! Après une telle déclaration émanant de quelqu’un qui en sait quelque chose, les instances de l’OMS, qui jurent que l’accord en question ne gène en rien leur travail, ne peuvent qu’aller se rhabiller !

Dans la salle de projection, le public ne pouvait que rester interdit devant de telles révélations ! A quand la diffusion de Controverses nucléaires sur la TSR un soir de grande écoute ?

Anne-Cécile Reimann

 
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