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Articles par pays :
Japon
Journal par No :
No 50, octobre 1999
Auteurs :
Pierre Vanek Philippe Gobet
No 50, octobre 1999 - dossier sur l’accident de Tokaimura
Publié le mardi 2 octobre 2007

Philippe Gobet :

  • « L’accident nucléaire le plus grave depuis Tchernobyl »

Pierre Vanek :

  • « Une première : la criticité qui dure... »
  • « French Connection et surgénérateur »
  • « Echelle de gravité : l’escalade »
  • « Errare humanum... Vraiment ? »
  • « Un clou prévisible de plus dans le cercueil du nucléaire japonais »
  • « Corée du Sud : incident, aveuglement et protestations »

L’accident nucléaire le plus grave depuis Tchernobyl

Le 30 septembre 1999, l’écoute de la radio nous mettait dans une ambiance rappelant quelque peu Tchernobyl. On entendait parler d’une réaction incontrôlée, de doses 4000 fois supérieures à la norme autorisée, d’une quinzaine de personnes irradiées, de milliers de personnes calfeutrées chez elles, de trains et de routes bloqués, d’un recours à l’armée américaine. Des gaz radioactifs étaient dégagés, de nouvelles fuites étaient possibles... Allait-on vivre un nouvel accident aux conséquences mondiales ? En principe, les autorités minimisent toujours l’accident et en nient les conséquences. Là il semblait que, dès le premier jour, la gravité des faits était reconnue. Fallait-il donc prévoir le pire ?

Le jour suivant, on apprenait que la réaction était arrêtée. Par contre le bilan s’alourdissait vite, et on peut supposer encore pas mal de révélations... Du point de vue du bilan, il y aurait 50 employés irradiés dont trois à l’article de la mort, les taux de radiations se seraient élevés à des niveaux 17000 fois (et non de 4000) fois supérieurs à la normale et l’accident de serait de gravité 5 (et non 2 ou 3) sur l’échelle internationale des événements nucléaires (qui en compte 7), ce qui le place au premier rang des accidents japonais et du point de vue international au niveau de Three Mile Island ( qui fête ses vingt ans cette année...). Le nombre d’habitant-e-s bloqués chez eux a été de 300 000, ce qui est, vous l’avouerez, plus que « quelques milliers », d’autre part des habitants seraient également irradiés et non seulement des employés. Les antinucléaires avaient donc, encore une fois hélas, raison de se méfier, et l’avenir nous permettra d’en savoir plus. Greenpeace, qui a une équipe sur place et qui a effectué des mesures, a estimé que le nombre de personnes ayant été fortement exposées à la radioactivité est supérieur à l’estimation gouvernementale, sans doute une centaine de personnes, surtout étant donné le haut niveau de radioactivité encore 24 heures après la fin de l’alerte et l’absence d’évacuation immédiate de la zone. Greenpeace estime que les personnes habitant les 170 maisons dans un rayon de 500 mètres autour de la centrale ont forcément été soumises à des radiations à un niveau dangereux pour la santé.

Que s’est-il passé le 30 septembre à Tokaimura ?

Vers 10h35, dans cette usine expérimentale qui produisait du combustible pour centrales nucléaires, une réaction dite de criticité s’est produite. Il s’agit donc d’une réaction en chaîne incontrôlée avec émission intense de rayonnements. Un peu comme une bombe nucléaire, mais sans l’aspect violemment explosif.

Pour comparaison, la dose reçue par les 3 principaux irradiés est équivalente à celles au point d’impact de la bombe d’Hiroshima.

L’accident est présenté comme étant dû à une erreur humaine, les employés ayant mis 16 kilos d’uranium dans une cuve en acier, soit près de huit fois la quantité normale, ce qui a déclenché la réaction. Mais d’autre part on sait que les normes gouvernementales de sécurité ont été bafouées par les exploitants depuis longtemps... Un manuel d’exploitation illégal avait été publié en lieu et place du manuel officiel... Cela a été reconnu par la société qui exploite l’usine de Tokaimura.

Autre exemple : on transportait l’uranium dans des seaux en inox (non, vous ne rêvez pas) au lieu d’utiliser les pompes prévues. L’entreprise faisait de plus pression sur les employés pour augmenter la vitesse de travail. La presse japonaise rapporte en outre que les employés n’avaient jamais bénéficié d’une formation adéquate... Ils ne portaient pas non plus les badges mesurant la dose de radiation.

Bref, des « erreurs humaines » à tous les niveaux, comme dans tous les domaines, mais comme on sait, dans le nucléaire l’erreur ne pardonne pas...

Tokaimura s’est retrouvée telle une ville fantôme, avec des policiers entièrement revêtus d’habits de radioprotection blancs hantant les rues. L’eau des puits n’est plus potable, pêche, récolte d’aliments et cueillette sont interdites, les bateaux sont priés d’éviter la région. Les aliments de la zone déjà livrés à Tokyo sont ramenés... Là aussi on pense à Tchernobyl...

En ce qui concerne l’usine, elle ne redémarrera pas de sitôt. Le maire de Tokaimura a d’ailleurs ordonné la suspension totale des activités de l’installation en se référant à l’Accord de Sécurité passé entre la compagnie (la JCO) et l’administration du village. De plus la licence d’exploitation de la JCO a été retirée par l’Agence pour la Science et la Technologie.

Du point de vue des mouvements de protestation, il se passe des choses, même si la presse occidentale s’abstient bien volontiers d’en parler. Par exemple, 120 défenseurs de l’environnement ont défilé jeudi 7 octobre jusqu’au siège du Parlement à Tokyo pour réclamer une enquête indépendante et une révision de la politique nucléaire nippone.

Affaire à suivre...

Philippe Gobet


Une première : la criticité qui dure...

L’accident de Tokaimura est ce qu’on appelle un accident de criticité, soit le déclenchement incontrôlé de réactions en chaîne de fissions au sein d’un milieu contenant des matières fissiles telles l’Uranium 235 ou le plutonium 239.

A signaler que très rapidement l’establishement nucléaire c’est mis en route pour « dédramatiser » une réaction qui est bien celle qui se produit lors de l’explosion d’une bombe atomique. Chef de file dans ce sens a été l’IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire) organisme officiel français. Quelques heures après l’accident ils publiaient une « analyse » abondamment reprise par les médias, notamment la Tribune de Genève, qui contenait notamment deux arguments largement rapportés :

l les accidents de criticité ne seraient pas si grave, puisque depuis 1945, pas moins de 59 d’entre-eux ont été recensés dans le monde dont 33 aux USA et 19 en ex-URSS.

l les accidents de criticité « conduisent à des conséquences plus importantes sur le site de l’installation concernée que dans l’environnement ».

Ces affirmations appellent bien sûr des réponses. En ce qui concerne la multiplication des accidents de criticité on est en présence d’un effet pervers et paradoxal. A suivre cette logique, plus il y a d’accidents, moins c’est grave ! Et plus il y a de catastrophes majeures, plus on banalise des accidents sérieux. C’est la logique de certains commentaires (radio/TV) dans les heures suivant l’accident qui nous « rassuraient » en expliquant que l’accident était « moins grave » que Tchernobyl, devenu la référence.

En ce qui concerne le deuxième point, sur le caractère soi-disant limité au site des accidents de criticité, l’IPSN aurait mieux fait d’attendre. En effet, le plus souvent les accidents de criticité se traduisent par une explosion qui disperse le matériau radioactif, la réaction ne se poursuit pas en continu, elle est quasi instantanée. Comme l’écrivait la Tribune de Genève du 1er octobre en s’inspirant de l’ISPN : « Les accidents de critcité consistent en une réaction incontrôlée très brève, aux conséquences généralement limitées... » Or a Tokaimura, il n’y a pas eu d’explosion, mais une réaction continue de criticité, qui selon les dernières informations (AFP du10 octobre) se serait poursuivie durant 17 heures ! C’est un cas nouveau, l’eau refroidissant la cuve aurait servi de « modérateur » permettant à la réaction de se prolonger. C’est un cas nouveau en matière d’accidents de criticité et dont l’analyse ne fait que commencer.

On voit par là que l’ISPN a préféré jouer la solidarité nucléaire plutôt que d’être sérieux scientifiquement. Solidarité qui s’explique, dans son communiqué l’ISPN n’affirme-t-elle pas que « L’IPSN entretient des relations étroites dans le domaine des recherches en sûreté nucléaire avec différents organismes japonais. L’IPSN et JAERI (Japan Atomic Energy Research Institute) coopèrent notamment en matière de criticité… »

Pierre Vanek


French connection et surgénérateur

La Compagnie française COGEMA s’est empressé de déclarer explicitiment après l’accident qu’elle n’avait aucun accord avec la JCO, compagnie exploitant l’installation dans laquelle a eu lieu l’accident. Or il s’avère que l’uranium à l’origine de l’accident de criticité de Tokaimura est bien d’origine française. Il a été enrichi à l’usine militaire française de Pierrelatte ...appartenant à la COGEMA et fermée en 1996 ! Il a été révélé en outre que l’opération qui a mal tourné visait à fabriquer du combustible pour le surgénérateur japonais JOYO (petit frère du surgénérateur accidenté de Monju, comme le surgénérateur Phénix l’était de Superphénix)

Pierre Vanek


Echelle de gravité : l’escalade

L’Agence Internationale pour l’Enerie atomique (AIEA) a également travaillé à « faire passer » la pilule de l’accident de Tokaimura. Les premières réactions de l’AIEA parlaient d’une classification de l’accident à un niveau 2 ou 3 sur l’échelle de gravité des incidents et accidents nucléaires. Tokaimura aurait été une bagatelle. Puis, en quelques heures, on est passé à un accident de niveau 4. Aujourd’hui on apprend que les autorités japonaises vont classer cet accident au niveau 5, comme celui de Three Mile Island aux USA en 1979. Cette décision fait suit au constat que la radioactivité a affecté les environs de l’usine et touché des habitant-e-s et pas seulemet les travailleurs de l’installation ! On le voit l’AIEA, fidèle à son rôle pronucléaire, s’est inscrite dès le début dans la machine de propagande visant à « limiter les dégâts » produits dans l’opinion publique internationale par ce nouvel accident atomique. Bien entendu, les premières déclarations, sans fondement, de l’AIEA, on fait les gros titres. Quelques jours après la « reclassification » au niveau 5, ne méritait que des entrefilets, et encore dans les journaux les plus consciencieux... Signalons que très rapidement nos amis japonais du Citizen’s Nuclear Information Bureau avançaient prudemment l’opinion, confirmée depuis, qu’il s’agissait bien d’un incident de niveau 5.

Pierre Vanek


Errare humanum... Vraiment ?

Nombre de commentaires ont vite attribué cet accident à l’« erreur humaine ». Sous-entendu, ce n’est pas l’industrie nucléaire qui serait en cause, mais des ouvriers négligents. Or un certain nombre d’informations sont venues préciser les conditions de cet accident :

1. Les directives officielles japonaises (Basic guidelines for licencing nuclear facilities 1989) prévoient qu’ « il doit y avoir des contre-mesures mises en place pour empêcher une réaction de criticité sous toutes les conditions scientifiquement envisageables » or...

2. Il est manifeste que non seulement tout n’a pas été fait pour que cet accident ne puisse pas arriver, au contraire, au fil des jours, la compagnie JCO, filiale de la Sumitomo Mining Company, exploitant l’installation est passée aux aveux. D’abord, avec un cynisme particulièrement odieux, sa direction a reconnu qu’« elle savait qu’elle ne remplissait pas les standards légaux »" mais qu’elle « n’était pas certaine que ce soit ces violations qui ont causé l’accident ». Rajoutant que « plus d’explications sont nécessaires en provenance des travailleurs, mais ils sont à l’hôpital... »

3. A la suite de descentes de la police sur le site de Tokaimura et dans les bureaux de la compagnie à Tokyo, il s’avère que la JCO, compagnie privée soumise à la loi d’airain de la recherche du profit maximum avait sciemment édité un manuel d’opérations illégal et falsifié, pour remplacer le manuel approuvé par les autorités et permettre notamment aux travailleurs de remplacer le transfert de matériel fissile à l’aide d’une pompe de « haute technologie » par un transfert manuel, avec des seaux en inox ! En outre, les caméras vidéo de surveillance étaient systématiquement éteintes, le personnel ne portait pas de badges de contrôle de dose de rayonnements, il n’y avait pas de compteur neutronique sur place qui aurait permis d’acccélerer l’identification de l’accident de criticité, etc.

4. Une semaine après l’accident un repsonsable de la STA (Agence officielle pour la science et la technologie) reconnaissait que le gouvernement n’avait mené aucune inspection du complexe de Tokaimura depuis 1992. Le directeur du complexe de Tokaimura lui-même admettait que s’ils étaient soumis à un contrôle de qualité sur leurs produits, « la division chargée de la sécurité n’était pas impliquée dans les inspections ».

5. Il a également été révélé que les ouvriers directement impliqués dans la manipulation conduisant à l’accident n’avait pas reçu de formation appropriée concernant les réactions chimiques et nucléaires liées au matériel qu’ils manipulaient. L’un des trois travailleurs les plus gravement atteints n’aurait, selon la police, été « informé » des phénomènes de criticité que lorsqu’il était entré au service de la compagnie ...il y a 23 ans !

6. Enfin, le fait même que physiquement, de par sa forme et son volume, l’appareillage qui a été « surchargé » de matière fissile (16 au lieu de 2,4 kilos d’uranium !) permettait une telle réaction est évidemment en soi criminel !

Pierre Vanek


Un clou prévisible de plus dans le cercueil du nucléaire japonais

Avant même l’accident de Tokaimura, le nucléaire japonais filait du mauvais coton. Ci-dessous un rapide survol de la situation.

On s’en souvient, en 1995 le surgénérateur japonais MONJU à Tsuruga connaissait un accident sérieux. Un feu de sodium ravageait l’installation. L’exploitant la DONEN (Entreprise publique de développement en matière de combustibles et de réacteurs nucléaires) aggravait l’affaire en tentant une maladroite opération de dissimulation de la gravité des faits : retards dans la communication des informations à l’autorité, censure d’une vidéo montrant l’étendue des dégâts, etc.

Tokaimura...déjà !

En 1997, un autre accident avait lieu sur le même site, à Tokaimura, berceau de l’industrie nucléaire japonaise, puisque c’est là qu’a été mis en service, il y a près d’une quarantaine d’années, le premier réacteur nucléaire commercial nippon...

En effet, l’usine de retraitement exploitée par DONEN connaissait ce qui était (alors !) le plus grave accident nucléaire sur sol japonais. Cette usine n’en était pas à ses premiers problèmes, l’installation en question, mise en service en 1971, n’a fonctionné réellement qu’à partir de 1981 et ceci avec une productivité égale seulement à 25% de celle qui avait été prévue. Un feu se déclare à 10H du matin entraînant une contamination radioactive de l’air atteignant une quarantaine de travailleurs. Dans la journée le feu est présenté comme éteint et l’incident comme maîtrisé. Mais à 20H00 a lieu une explosion dans un bâtiment de cette installation où sont stockées des quantités importantes de plutonium, l’explosion est suivie d’un deuxième incendie... à 23H les portes de l’usine encore ouvertes, laissaient passer les émanations radioactives....

Bien plus tard on apprendra qu’on avait ordonné aux ouvriers de garder le secret sur le fait que le premier incendie n’avait pas été complètement maîtrisé. Les syndicats japonais se mobiliseront pour exiger que la sécurité soit une priorité ...à Tokaimura. Le Premier Ministre japonais présentera des excuses publiques concernant l’accident lui-même, les tentatives de dissimulation et la lenteur de la communication au public. L’usine de retraitement en question se voit fermée jusqu’en 2001 au moins pour une « mise à jour technologique ».

La fuite...en avant vers le MOX

Mais dans le même temps DONEN annonce qu’elle orientera son activité dans cette installation sur l’expérimentation avec le MOX. Or le MOX est un combustible nucléaire particulièrement dangereux : on retraite le combustible « brûlé » une fois dans une centrale, on en extrait à grands frais le plutonium et on le réincorpore dans de nouveaux chargement de combustibles (MOX).

Comme, malgré leurs fanfaronnades, les nucléocrates japonais eux-mêmes savent que la surgénération à la Superphénix (qui était le « débouché » essentiel envisagé pour le plutonium issu du retraitement) est une voie probablement sans issue, ils poussent à fond l’utilisation du MOX.

En effet, d’ici 2010 la quantité de plutonium japonais produit dans les usines européennes de Sellafield et de La Hague se montera à 45 tonnes, ce qui correspond à 200 transports maritimes à risque pour le rapatrier...

Or l’utilisation du MOX dans les centrales représente en soi un danger accru. Selon une étude internationale récente, en cas d’accident majeur avec rupture de confinement dans une centrale, la contamination radioactive à une distance donnée de l’accident serait multipliée deux fois et demi.

Par ailleurs, comme feu la surgénération, la production de MOX sert à donner une légitimité apparente au retraitement et à l’extraction de plutonium, la matière première de bombes nucléaires, allant de celle produites par les militaires aux réalisations plus ou moins artisanales pratiquement à la portée de n’importe qui...

L’avertissement AVANT

Or ce 14 septembre, deux semaines avant le récent accident à Tokaimura, l’organisation antinucléaire citoyenne japonaise CNIC (Citizen’s Nuclear Information Center) dénonçait un scandale majeur en relation avec le MOX. Il s’avérait que la compagnie BNFL (British Nuclear Fuels Ltd) exploitant de l’usine de retraitement britannique à Sellafield avait falsifié les données concernant la qualité du MOX produit en Grande Bretagne pour la Kansai Electric Company, ceci alors même que la Kansai avait des inspecteurs sur le site de Sellafield.

Ceci dans un contexte où la Kansai Electric fait des pressions importantes sur les autorités locales pour permettre l’utilisation du MOX dans deux de ses centrales (Fukishima et Takahama).

Conclusion de nos amis du CNIC, vérifiée avec éclat deux semaines plus tard : « …on ne peut tout simplement pas avoir confiance dans l’industrie nucléaire, qui sait quels autres procédures elle a violé et quelles autres données ont été falsifiées ? »

Le CNIC mettait alors en avant la revendication d’un contrôle du nucléaire japonais par des experts indépendants en affirmant cette vérité « …l’industrie atomique ne peut pas se contrôler elle-même » !

Ce nouveau scandale à conduit le Premier ministre japonais à lancer un appel à DONEN pour qu’ils aillent dans le sens d’une « ouverture et d’une réforme ». On apprenait au passage et en même temps que des officiels japonais avaient reconnu le mois précédent que l’installation de Tokaimura « connaissait des fuites radioactives (de bas niveau !) depuis 30 ans. »

Une opposition croissante

On le voit, les clignotants étaient au rouge pour les nucléocrates japonais bien avant l’accident du 30 septembre.

La contradiction est aiguë. D’un côté la politique officielle nippone met en avant un développement nucléaire massif dans un pays qui compte déjà 51 centrales qui fournissent le tiers de l’électricité du pays. En 1996, un rapport dans ce sens du Ministère du Commerce et de l’Industrie recommandait par exemple la construction de 70 nouveaux réacteurs d’ici 2030.

De l’autre, l’industrie atomique japonaise rencontre une opposition croissante : seuls deux nouveaux réacteurs ont été commandés depuis 1990. L’opposition locale est très active, un exemple : la compagnie Tohuku Electric ne parvient pas à convaincre les propriétaires fonciers de lui vendre les terrains nécessaires à la construction d’une centrale dans la région de Niigata au Nord du pays.

Et l’opinion publique en général devient de plus en plus hostile, selon un sondage publié en août 1999 par les services du Premier Ministre japonais cité par Le Monde du 2 octobre : « 70% des personnes interrogées craignaient l’industrie nucléaire et redoutaient un accident ».

Selon un autre sondage rapporté par la BBC le lundi 4 octobre, donc après l’accident de Tokaimura,mais avant un certain nombre de révélations sur les conditions de celui-ci, ce sont 74% de personnes qui sont aujourd’hui inquiètes du développement du programme nucléaire japonais.

Tokaimura est déjà un accident de trop, combien d’accidents supplémentaires faudra-t-il pour que les autorités japonaises comprennent qu’il faut changer de cap en matière énergétique ? Telle est la question angoissante que nous nous posons et que se posent des millions de japonaises et de japonais...

Pierre Vanek


Corée du Sud : incident, aveuglement et protestations

L’accident de Tokaimura a servi de révélateur. En effet, dans les jours suivants nombre d’incidents nucléaires « mineurs », qui auraient normalement passé inaperçu ont été révélés par la presse qui n’en aurait sans cela sans doute pas parlé, tant il est vrai que fuites radioactives « sans gravité » sont le pain quotidien banal de l’industrie atomique.

Le 4 octobre on apprenait par exemple qu’une centrale nucléaire Sud Coréenne avait connu une fuite d’eau lourde radioactive à laquelle 22 ouvriers avaient été exposés. Incident sans conséquences affirment les exploitants. Peut-être, mais ce qui est inquiétant c’est le commentaire de porte-paroles du gouvernement rapporté par les agences de presse.

Ceux-ci ont affirmé, se référant à Tokaimura, qu’« ils n’anticipaient pas d’accidents similaires en Corée et qu’ils avaient l’intention de poursuivre le programme nucléaire ambitieux de leur pays ».

Rappelons que la Corée à 14 centrales nucléaires qui lui fournissent 40% de son électricité et prévoit de construire 6 réacteurs supplémentaires d’ici 2005 et dix de plus au cours de la décennie suivante. Or les nucléocrates sud coréens n’anticipent pas de problèmes, comme on n’en anticipait pas ni à Tchernobyl, ni à Tokaimura !

Heureusement la population n’est pas décidée à se laisser faire. Les villageois aux abords de la centrale où a eu lieu l’incident ont vivement protesté contre la communication tardive (24 heures plus tard !) du problème, ont manifesté devant la centrale en expliquant : « Ils disent toujours qu’il n’y a rien à craindre, mais comment pouvons-nous leur faire confiance ? » et en affirmant qu’ils se battraient contre de nouvelles centrales, mot d’ordre repris à Séoul par des manifestants devant le siège du gouvernement dont l’une des banderoles portait le slogan « Le nucléaire, c’est la mort ! »

Pierre Vanek

 
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