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Articles par thèmes :
Déchets - Retraitement
Journal par No :
No 76, décembre 2004
Auteurs :
Denis Perrenoud
No 76, décembre 2004
Publié le samedi 29 septembre 2007

Mort en dénonçant les transports de déchets nucléaires

Le 7 novembre 2004, Sébastien, 22 ans, est mort renversé par la locomotive d’un convoi de déchets nucléaires partant vers l’Allemagne. Nous reproduisons ici intégralement la version des faits des camarades de Sébastien qui l’accompagnaient au moment du drame.

Quelques semaines auparavant, Sébastien s’était décidé avec plusieurs d’entre nous à agir pour rendre publique la vulnérabilité d’un tel convoi. Le fait qu’il soit mort ne doit pas faire oublier que cette action était non violente, réfléchie et volontaire. Contrairement à ce que ce drame peut laisser transparaître, en aucun cas notre acte n’était irresponsable et désespéré.

Notre engagement est le fruit de convictions profondes quant au danger certain et réel que représente le nucléaire depuis trop longtemps. Cette action était parfaitement planifiée, collectivement, en incluant des repérages précis des lieux et en respectant des procédures d’arrêt éprouvées. Nous avions longuement envisagé toutes les possibilités, y compris un non arrêt du convoi. Placés en sortie de courbe, nous pouvions être amenés à quitter les rails très rapidement, du fait d’une visibilité réduite. Nous étions quatre, couchés sur les voies, ayant chacun un bras passé de part et d’autre d’un tube d’acier glissé sous le rail extérieur de la voie permettant ainsi un départ d’urgence plus rapide. En aucun cas nous n’étions cadenassés et nous avions la possibilité de nous dégager rapidement de ces tubes. Malheureusement l’équipe chargée de stopper le train, 1500 mètres en amont, n’a pas pu agir. L’hélicoptère de surveillance précédant en permanence le convoi était absent, « parti se ravitailler en kérosène » ; or cette équipe comptait essentiellement sur la présence de l’hélicoptère qui signalait l’arrivée du train.

Enfin, conformément à ce qui était convenu, l’équipe de stoppeurs a renoncé à arrêter le convoi car il était accompagné de véhicules de gendarmerie le précédant à vive allure sur le chemin les séparant de la voie. Le convoi est donc arrivé à « 98 km/h », selon le procureur, n’ayant pu être arrêté par les militants ni averti par l’hélicoptère. Ces multiples causes réunies nous mettaient en danger. De ce fait, les personnes couchées sur les rails n’ont bénéficié que de très peu de temps pour s’apercevoir que le train n’avait pas été stoppé et par conséquent n’avait pas réduit son allure. Nous nous étions entraînés à une évacuation d’urgence, de l’ordre de quelques secondes. Sébastien a été percuté alors qu’il quittait les rails et en aucun cas son bras n’est resté bloqué à l’intérieur du tube. La vitesse de l’événement nous a dépassé et personne parmi nous n’a eu le temps de lui venir en aide. Avant que cela n’arrive, nous sommes restés dix heures de suite cachés en lisière de bois à trente mètres de la voie, gelés et ankylosés par le froid.

Durant cette attente, nous n’avons pas été détectés par le dispositif de sécurité, de même les guetteurs postés à une quinzaine de kilomètres du lieu du blocage et chargés de nous prévenir de l’arrivée du train, ni les stoppeurs chargés de l’arrêter, ni les bloqueurs qui avaient préalablement installé les deux tubes sous le rail aux environs de cinq heures du matin. Il est clair que la part de responsabilité de chaque protagoniste doit être établie. Y compris la nôtre. Pour l’heure, nous sommes face à l’un des pires moments de notre existence. Malgré ce que beaucoup de personnes peuvent penser, nous avions des raisons certaines d’être là. En premier lieu la sauvegarde de la planète, dont nous assistons au déclin d’année en année, mais également le rejet de cet Etat monolithique refusant toute remise en question. Nous n’avons pas décidé d’arrêter ce train par immaturité ou par goût de l’aventure, mais parce que dans ce pays, il faut en arriver là pour qu’une question de fond entre enfin dans le magasin de porcelaine. Sébastien est mort par accident, il ne l’a pas choisi, personne ne l’a souhaité. Il n’est pas mort au volant en rentrant ivre de discothèque, mais en agissant pour faire entendre ses convictions. Et c’est sans conteste pour cela que son décès ne sera jamais, pour nous, un fait divers.

Face à une situation où nous étions si perdus, nous n’imaginions pas recevoir tant de soutien. Nous remercions particulièrement amis et parents, de nombreuses associations, mais également les milliers d’anonymes allemands et français ayant organisé des manifestations et des commémorations en sa mémoire. L’ampleur de la solidarité nous dépasse autant qu’elle nous touche. Le plus important nous semble de pleurer un frère et de soutenir sa famille et non d’ instrumentaliser son image. Bichon était certes à la recherche d’un monde moins fou, mais avant tout un jeune homme rempli de joie de vivre, d’énergie et amoureux des gens. Ce texte n’est ni une confession, ni une agression, nous voulons seulement, par celui-ci, rétablir la vérité des faits.

Ses compagnes et compagnons de route

Source : Indymedia


Chronique des singes nus

On a besoin d’électricité… on ne peut se passer de centrales nucléaires… il faut faire confiance… les scientifiques et les connaisseurs de la technique nucléaire savent ce qu’ils font, ce sont des hommes et des femmes responsables… Oui, des hommes comme les autres, capables du meilleur comme du pire, de très beaux singes nus, il ne faut pas l’oublier.

Dès qu’un « pépin » survient dans une centrale par manque de précautions, par négligence… on se cache, on dissimule. Il ne faudrait pas affoler les populations…

Et l’abandon du nucléaire ? Mais ça coûterait beaucoup trop cher… Tous ces propos nous reviennent à l’esprit dès qu’un événement nucléaire est porté à la connaissance de la population. Le dernier accident grave est survenu au Japon, tout dernièrement, mais cela aurait tout aussi bien pu être dans le Bugey, à 40 km de Genève. En effet, des situations incroyables viennent d’être dénoncées, au Japon comme en France, par des femmes et des hommes courageux pour qui le besoin et les coûts ne sont pas prioritaires. Pour ces gens-là, et pour les amis de ContrAtom, la priorité doit être donnée à la vie, sans aucune excuse.

Voyons un peu ce qui s’est passé.

Au Japon, cet été, un accident s’est produit dans la centrale nucléaire de Mihama, entraînant la mort de plusieurs personnes. La compagnie Kepco n’avait pas effectué une inspection de sécurité approfondie sur le système de refroidissement de la centrale. « Nous avons pensé que nous pourrions reporté les contrôles jusqu’à ce mois-ci » (le mois de l’accident), a déclaré à la presse le responsable de l’installation. En fait, depuis l’ouverture de la centrale en 1977, aucun contrôle par ultrason n’avait eu lieu sur le circuit secondaire. Or, seul ce type de contrôle est capable de déceler la qualité des tuyaux. Résultat : la paroi du tuyau qui a lâché faisait 1,4 mm d’épaisseur, au lieu des 10 mm initiaux ! Et il ne s’agissait pas d’un simple tuyau de salle de bain. Réactions : des Japonais qui habitent près de la centrale où a eu lieu l’accident ont été interrogés : « Il n’y a pas de raison de s’inquiéter car, quand ça arrive, il n’y a rien qu’on puisse faire. » « Personne ici ne s’inquiète du nucléaire. Si quelque chose arrive, on mourra tous. » Merveilleux singes nus. En France, à 40 km de Genève, la centrale nucléaire du Bugey, comme les autres, fait l’objet d’inspections. Des rapports sont établis. Et après, que fait-on de ces documents ? Voici un exemple, daté du 24 août 2004 :

  • une importante fuite détectée et non réparée 7 mois plus tard !
  • des procédures erronées, incomplètes ou mal réalisées ;
  • des informations non transmises aux services de contrôle ;
  • insuffisance d’effectifs qui « contribue à un climat préjudiciable à la qualité des interventions » ;
  • manque de rigueur dans le respect des « règles en matière de radioprotection ». Ce qui amène les autorités de contrôle à formuler des « demandes d’actions correctives » qui semblent pourtant aller de soi :
  • « Je vous demande de respecter les règles en matière de radioprotection »,
  • « Je vous demande de prendre les dispositions nécessaires pour que tous les agents respectent les règles de sécurité »,
  • « Je vous demande de respecter les règles de l’assurance de la qualité »,
  • « Je vous demande de veiller au respect des Secteurs de Feu de Sûreté ».

De surcroît des réductions budgétaires dans les centrales nucléaires ont été décidées. En effet, au début 2000 déjà, François Roussely (alors Directeur d’EDF, Electricité de France) annonçait l’obligation de réaliser une baisse de 30% des coûts de production. On oublie très vite à quel point l’exploitation de centrales nucléaires relève d’une technique hyper sophistiquée, qui n’a rien de commun avec toutes les techniques inventées et développées à ce jour. En cas de dysfonctionnement conduisant à une dispersion en masse de poussières radioactives dans l’atmosphère et dans notre environnement en général, les conséquences seraient catastrophiques. La durée d’existence de ces particules radioactives se compte en milliers, voire en dizaines de milliers d’années. Le plutonium, par exemple, perd la moitié de son énergie en 24’000 ans. Une poussière d’un millionième de gramme pénétrant dans les poumons par la respiration, et c’est le cancer assuré ! L’accident de Tchernobyl est effroyable et on l’oublie. Hélas, il faut s’attendre à pire encore avec la contamination de continents entiers, tout à l’heure, demain, après-demain… ?

Alors, que pouvons-nous faire ? Quelques suggestions :

  • S’intéresser au nucléaire et tenter de saisir pourquoi cette technique représente une découverte extraordinaire, mais en même temps un danger monstrueux ;
  • Puis, pour chacun, que ce soit à la maison, chez des amis, chez le coiffeur… il s’agit de susciter la discussion. Parler… parler…

Ne rien dire, c’est laisser faire !

Denis Perrenoud

 
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