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No 71 octobre 2003
Publié le mardi 2 octobre 2007

Face aux perturbations, le nucléaire démontre ses limites

Nous venons de vivre un été mémorable. La douceur du temps de ce début d’automne, nous incite à l’oublier. Pourtant, avant que la prochaine canicule ne vienne à nouveau liquéfier les cerveaux, il semble nécessaire de tirer les premières leçons de cet été de tous les records.

Si les températures extrêmes et la sécheresse ont touché toute l’Europe, c’est en France que les conséquences des caprices du climat se sont révélées les plus dramatiques. La surmortalité des personnes âgées, les forêts en feu et la surchauffe des centrales nucléaires ont fait la une de l’actualité et engendré un cortège de solutions, souvent hélas sous forme de pathétiques bricolages. Prenons l’exemple de la surchauffe des centrales nucléaires, qui illustre bien cette logique du sauve-qui-peut improvisé d’un gouvernement cherchant à concilier des choix économiques et stratégiques dépassés et des impératifs imposés « soudainement » par la nature.

Fuite en avant et bricolage

Le feuilleton débute le 1er août, en Alsace, avec l’aspersion de la centrale nucléaire de Fessenheim au moyen de lances à incendie. Durant quatre jours, en pleine période de sécheresse, EDF a puisé des quantités extravagantes d’eau dans la nappe phréatique et en a aspergé les parois extérieures du bâtiment, espérant de cette manière parvenir à diminuer la température à l’intérieur de l’enceinte de confinement du réacteur. Pour des raisons évidentes de sécurité, la loi impose en effet l’arrêt d’un réacteur si la température du bâtiment contenant les instruments de contrôle dépasse 50°C. Or, durant les premiers jours de canicule, cette température avait atteint 48,2°C à Fessenheim. Présentée aux Français comme un simple exercice, cette tentative à la pointe du progrès a échoué et a pris fin le 4 août, non sans déclencher une polémique relayée par les organisations écologiques. Que tous ceux qui ont pu être bluffés par la prétendue maîtrise technologique exceptionnelle de l’industrie nucléaire se sentent rassurés : face à l’imprévu, celle-ci démontre en tous cas qu’elle sait improviser !

On a frisé la catastrophe

Le système de refroidissement de la quasi-totalité des réacteurs français dépend de la température des fleuves et des rivières au bord desquels ils sont construits. Si la température des cours d’eau est trop élevée, le système de refroidissement de la centrale perd sa capacité à rendre à nouveau liquide la vapeur d’eau qu’elle a généré pour faire tourner ses turbines et par conséquent la pression augmente. Or, cet été, en plus de l’élévation de la température des cours d’eau, le niveau de ceux-ci a dangereusement diminué, au point qu’EDF a dû ralentir sa production d’électricité. Tous ceux qui ont misé sur l’indépendance énergétique offerte à un pays disposant de l’énergie atomique seront heureux d’apprendre qu’EDF n’est pas parvenue à assurer l’approvisionnement électrique de la France qui a massivement importé de l’électricité de ses voisins européens et ce, à prix d’or.

Des dérogations suicidaires

Une fois son office accompli et les turbine refroidies, l’eau puisée dans les fleuves peut donc théoriquement retourner d’où elle venait ayant gagné, au passage, quelques degrés centigrades. Heureusement, les lois de protection de l’environnement ne laissent pas les centrales rejeter de l’eau bouillante et elles fixent des limites afin de protéger les écosystèmes aquatiques. Mais, il apparaît que ces limites sont prévues pour protéger la nature quand tout va bien. Face à des circonstances exceptionnelles, les lois peuvent tout simplement être adaptées. Ainsi, le 13 août, face à la pression d’EDF, le gouvernement adoptait dans l’urgence un arrêté interministériel accordant des dérogations aux centrales en difficulté. Dès cette date et jusqu’au 30 septembre, près de la moitié des centrales nucléaires françaises étaient autorisées à rejeter des effluents plus chauds dans les fleuves et les rivières, au risque de tuer les poissons et de contribuer à la prolifération d’algues et de micro-organismes extrêmement nuisibles. Soulignons qu’EDF n’avait pas attendu l’autorisation gouvernementale pour dépasser les normes en vigueur à plus de 30 reprises, sans jamais être sanctionnée (1).

Les normes de sécurité sont-elles aussi malléables ?

Cette fuite en avant proprement criminelle démontre que les normes s’adaptent aux besoins de l’industrie nucléaire avec une facilité déconcertante (voir encadré). Lorsque l’on sait que les températures extrêmes de cet été risquent de devenir plus fréquentes à l’avenir, tout comme les inondations catastrophiques et autres phénomènes incontrôlables, on peut à juste titre être inquiets des décisions prises par les autorités françaises. Ces événements laissent présager que les normes de « sécurité » - elles aussi - pourraient bien, au besoin, subir d’hasardeuses « dérogations », lesquelles risquent un jour de se solder par un nouveau Tchernobyl au cœur de l’Europe.

Penser à long terme pour un avenir énergétique durable

Il eut été plaisant, dans un contexte moins dramatique, d’entendre d’éminents libéraux français en appeler au « sens civique » de leurs concitoyens pour les inciter à économiser l’énergie, tout en soulignant le caractère exceptionnel et temporaire d’une telle mesure et en leur rappelant expressément qu’ils devront bientôt recommencer à consommer sans modération, comme ils ont toujours été incités à le faire par ces mêmes éminents libéraux. Rappelons qu’en France, plus de 75% de l’électricité est fournie par le nucléaire, 10% par le charbon ou le gaz et 14% par l’hydraulique. Reste 1% produit par les autres énergies (éolien, solaire, géothermie). Pourtant, le budget de l’Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie, qui doit promouvoir les économies d’énergie et subventionne largement les installations géothermiques, éoliennes ou solaires, a été amputé de plus de 30% cette année. Fuite en avant, mesures transitoires catastrophiques et discours contradictoires ne font que révéler les choix erronés qui ont été et continuent à être fait en matière de production d’électricité. Une vision à long terme fait cruellement défaut.

Des sous pour l’EPR ou pour les renouvelables ?

Les décisions qui devraient être prise dès cet automne, suite au « Débat national sur l’énergie » du printemps 2003, pourraient offrir à la France l’opportunité de s’engager dans un avenir énergétique durable. Alors que la question du renouvellement du parc nucléaire français est à l’ordre du jour et que le gouvernement subit la pression des industriels - Areva en tête - pour la construction du fameux EPR, le choix le plus judicieux, à la lumière des risques liés aux très graves inadéquations de cette industrie dans un contexte perturbé, serait de tourner le dos au nucléaire et d’investir massivement, comme le font les autres pays européens, dans la recherche et le développement d’énergies renouvelables (2). Le nucléaire n’est pas une énergie d’avenir, ni pour la France, ni pour aucun autre pays, voilà ce que la sécheresse et la canicule exceptionnelles de cet été 2003 auront démontré de manière flagrante. Que cela serve également de leçon à nos compatriotes serait le souhait que l’on pourrait formuler pour terminer.

Autre exemple d’aménagement législatif récent visant à camoufler la déroute de l’industrie nucléaire : L’Etat français classe le nucléaire « secret défense »

Un arrêté du 24 juillet stipule que toutes les matières nucléaires et leurs connexions, c’est-à-dire principalement les installations et les transports, sont désormais protégées par le sceau « secret-défense ». Cela signifie en clair qu’il est dorénavant interdit de faire circuler une quelconque information, même sur l’activité d’une centrale nucléaire ou d’un transport de combustible irradié, sous peine d’écoper de 5 ans de prison et de 75’000 euros d’amende. Cette atteinte à la liberté d’expression, intervient dans le contexte des nombreuses actions mises en place par des organisations écologistes visant à dénoncer le scandale des transports de déchets nucléaires à travers l’Europe à destination des usines de retraitement de La Hague ou Sellafield. Il faut savoir que c’est par wagons entiers, simplement mêlés aux wagons de marchandises ou de voyageurs, ou par camions normaux ou bateaux à simple coque, que ces déchets traversent villes et villages, s’arrêtent dans les gares aux heures de pointe ou voguent sur les mers. Les risques inconsidérés - qu’il s’agisse d’accident, d’attaque terroriste, de vol de plutonium ou autre - que ces va-et-vient constituent, sont inacceptables. Interdire toute communication au sujet de ces transports, prétextant que ces informations pourraient servir à d’éventuels terroristes, c’est non seulement accepter implicitement l’existence de ce danger pour les populations concernées, mais c’est aussi leur interdire de se protéger contre un tel risque. Cette décision scandaleuse n’apporte en tous les cas aucune réponse au problème de la sécurité de ces transports, la seule solution consistant à mettre un terme à la filière du retraitement des déchets nucléaires, inutile, dangereuse et polluante.

Fabienne Gautier

1 Dès la fin du mois de juillet, la centrale du Bugey (Ain) demandait déjà l’autorisation d’augmenter la température de ses eaux rejetées dans le Rhône, en raison de la sécheresse et de la canicule. Cette demande portait sur l’élévation de la température des eaux de 27 à 27,5 degrés, l’arrêté adopté le 13 août autorisait des dérogations de +1°C pour les centrales nucléaires de Cruas (Ardèche) et de Golfech (Tarn-et-Garonne), +1,5°C pour les centrales nucléaires de Cattenom (Moselle) et de Nogent-sur-Seine (Aube) et +3°C pour les centrales nucléaires du Bugey (Ain), de Saint-Alban (Isère) et du Tricastin (Drôme), sans qu’aucune température maximale ne soit fixée. Or, il est reconnu qu’à partir d’une température de 29 °C, les poissons meurent en masse.

2 La France n’a installé que 220 mégawatts (MW) d’éolien depuis 1997 contre 13.000 MW pour l’Allemagne. Même fossé franco-allemand pour le solaire avec 11 MW de photovoltaïque (contre 300 MW) et 50.000 m2 de panneaux solaires thermiques installés (contre 900.000 m2).


Pas d’enfouissement, ni à Bure, ni ailleurs

Chaque été, les vaillants opposants au projet d’enfouissement de déchets radioactifs à Bure organisent une mobilisation ponctuelle afin de replacer leur lutte sur le devant de la scène. Ces manifestations de résistance citoyenne, ô combien indispensables, visent à attirer l’attention du public sur ce qui est en train de se passer là-bas !

La région de Bure, située aux confins de la Champagne et de la Lorraine, est en effet en passe de devenir la poubelle radioactive du pays. Depuis 10 ans, des déchets dits faiblement radioactifs sont déjà stockés en surface dans le village de Souhaine-Dhuys (Aube), à 60 km de Bure. Et, dans quelques jours, devrait s’ouvrir à Morvilliers, un village voisin, un centre de stockage pour déchets très faiblement radioactifs. A Bure même, vous connaissez l’histoire, puisque notre journal en a parlé à plusieurs reprises, un centre d’enfouissement de déchets radioactifs en couche géologique profonde (-500 m) est en cours de construction, au mépris totale de la démocratie ainsi que de la santé et de la sécurité des générations futures.

L’Europe va-t-elle imposer l’enfouissement ?

Bien que l’enfouissement des déchets radioactifs soit une solution immonde et inacceptable pour nos descendants, c’est cependant bien celle que semblent vouloir imposer les instances européennes ! Non seulement le stockage en grande profondeur est programmé, mais les pays auraient pris trop de retard en ce qui concerne la mise en route de leur programme de gestion. Obligation leur serait faite de trouver d’ici six ans des sites d’enfouissement pour leurs déchets radioactifs de longue durée. Le calendrier proposé par la Commission européenne précise des échéances possibles : 2008 pour déterminer le site et 2018 pour commencer à enfouir les déchets ! Bure, malgré son appellation de « laboratoire d’étude » par les pouvoirs publics, a bien le profil d’un futur centre d’enfouissement. Sera-t-il l’unique en France, concernera-t-il plusieurs pays ? Va-t-on assister à la création de quelques centres de dimension européenne ? Gorleben (Allemagne du Nord), Bure, un autre en Suisse ? On le voit clairement, Bure est une pièce maîtresse de la filière nucléaire, au carrefour d’enjeux considérables. Pour ce qui est de la France, la construction de nouveaux réacteurs, type EPR, dépend intimement de la capacité de l’industrie à démontrer que le problème des déchets est enfin résolu. Bien que la ténacité des opposants locaux soit admirable - n’ont-ils pas marché fin août une semaine durant de la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle) jusqu’à Bure, pour tenter de convaincre les habitants des villages traversés de s’opposer à l’enfouissement des déchets radioactifs ?- leur nombre reste beaucoup trop modeste ! C’est l’avenir de l’humanité qui est en jeu et l’on pourrait s’attendre à une mobilisation au moins aussi importante que celle qui se déploie contre l’OMC ou le G8. Chaque fois qu’il est question d’enfouissement de déchets radioactifs, les populations entières devraient se lever comme un seul homme pour empêcher cette folie ! A quand la mondialisation de la résistance nucléaire ? Il y a urgence !

Anne-Cécile

 
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