association antinucléaire genevoise    logo
Accueil du siteJournalArticles par paysFrance
Dernière mise à jour :
lundi 22 janvier 2024
Statistiques éditoriales :
509 Articles
2 Brèves
1 Site Web
3 Auteurs

Statistiques des visites :
4302 aujourd'hui
4300 hier
4783911 depuis le début
   
Articles par pays :
France
Journal par No :
No 82, mai 2006
Auteurs :
Anne-Cécile Reimann
No 82, mai 2006
Publié le lundi 15 octobre 2007

Avril 2006 : pluie de manifs antinucléaires

15 avril : Cherbourg, manifestation internationale pour dire NON au réacteur nucléaire EPR

Il fallait être courageux pour se lancer dans l’expédition Genève-Cherbourg avec l’objectif d’être présents à la grande manif organisée par le Réseau français « Sortir du Nucléaire ». Trois intrépides ContrAtomistes ont tenté le coup ! Ils en sont revenus trempés mais heureux d’avoir été de la partie car l’enjeu est de taille et nous concerne tous. Si nous ne faisons rien, la construction d’un nouveau réacteur pourrait débuter en 2007 à Flamanville, en Normandie. Avec ce premier EPR (European Pressurized Reactor), ce serait la porte ouverte au renouvellement du parc français de centrales nucléaires. Il est grand temps de se mobiliser pour faire barrage à ce projet coûteux, dangereux et inutile !

Pour nous, l’aventure de Cherbourg a commencé par le déploiement d’une carte de France sur un coin de table de cuisine : de bleu, de bleu, c’est pas la porte à côté !

Je vous passe les péripéties du voyage : Genève-Paris en train, puis Paris-Cherbourg en autocar, le vendredi Saint, bonjour les embouteillages ! Arrivés sur les lieux, le ciel nous tombe sur la tête, il pleut, il pleut, il pleut ! « Les Parapluies de Cherbourg » ce n’est pas que le titre d’une comédie musicale !! Qu’à cela ne tienne, 30’000 manifestants courageux déboulent dans les rues de Cherbourg et n’hésitent pas à se coucher à même la chaussée, dans 10 centimètres d’eau, en mémoire des victimes de Tchernobyl. En langage de manif, ça s’appelle un « die in » !

Le contraste entre le flot de manifestants venus des quatre coins du pays et les rues du centre ville est saisissant. Habituellement encombrées le samedi après-midi (nous a-t-on dit), elles sont quasiment désertes et dans le cortège on ne dénombre guère d’autochtones. Dans la région, en effet, rares sont ceux qui ne travaillent pas ou n’ont pas un parent employé sur un des sites nucléaires implantés dans les parages (l’arsenal de Cherbourg avec ses sous-marins atomiques et son entrepôt de combustibles nucléaires, les trois centrales à Paluel, Penly, Flamanville, le centre de retraitement de La Hague, le centre de stockage de déchets faiblement radioactifs à Digulleville). La Normandie figure parmi les régions les plus nucléarisées du monde.

Dans les rues désertes de Cherbourg, l’impressionnant cortège s’est donc déployé tout à son aise sous des trombes d’eau qui n’entamèrent en rien l’ambiance faite de ferveur et de détermination, mais aussi de bonne humeur, de chansons et de slogans : « Le temps est pourri, le nucléaire aussi », « Il pleut, il fait froid, l’EPR on n’en veut pas ! », « Le nucléaire, c’est la galère, y’en a marre, y’en a marre » (sur l’air de « Si tu veux faire mon bonheur, Marguerite ») ce refrain antinucléaire apporté de Genève fait un tabac.

A l’occasion de ce grand rassemblement, le Réseau français « Sortir du Nucléaire » a rendu publique l’étude1 menée par la société coopérative d’intérêt collectif « Les 7 vents du Cotentin », qui propose de détourner les 3 milliards d’euros annoncés pour la construction de l’EPR afin de les consacrer aux économies d’énergie et à l’utilisation d’énergies renouvelables. Les résultats de cette étude montrent clairement qu’une alternative est possible. Avec les fonds destinés à financer l’EPR, on pourrait pourvoir aux mêmes besoins énergétiques, développer des sources d’énergie locales, respectueuses de l’environnement et créer des emplois beaucoup plus nombreux et mieux répartis sur l’ensemble du territoire. Non au réacteur nucléaire EPR, oui aux alternatives ! A Cherbourg, les organisateurs les plus optimistes attendaient 10’000 manifestants, leurs espoirs ont été largement dépassés, puisque nous n’étions pas loin de 30’000 ! Il s’agit dès lors de maintenir la pression. Le pouvoir est aussi dans la rue ! A la prochaine manif, on y va tous, pas vrai ?

22 avril : Lâcher de ballons à Mühleberg

Le temps de faire sécher nos fringues, de reconstituer le lot de panneaux jaunes littéralement désagrégés par la pluie de Normandie (merci à celles et ceux qui ont participé aux ateliers de coloriage, c’est ça aussi le militantisme !), et nous voilà repartis direction la centrale nucléaire de Mühleberg dans le canton de Berne. En voilà une qui ne tient pas la grande forme avec ses 2 mètres de fissures sur la jupe du cœur ! En réponse aux questions écrites formulées par l’équipe du Comité romand « Sortir du Nucléaire » aux exploitants de Mühleberg au printemps 2005, ces derniers donnent toutes sortes de précisions concernant « les tirants d’ancrage », sortes d’agrafes censées stopper la progression des fissures, mais aucune réponse concernant justement la progression desdites fissures. « Depuis l’installation des tirants d’ancrage, la stabilité du manteau présente un niveau de sécurité supérieur à celui affiché lors de sa mise en service en 1972 » proclament-ils. Nous voilà tout à fait rassurés ! Tellement rassurés que nous avons jugé indispensable de participer à l’action spectaculaire organisée par le Comité romand « Sortir du Nucléaire » dans le but d’attirer l’attention du public sur le danger que représente l’exploitation d’un tel engin. Il s’agissait de gonfler 3’000 ballons noirs parés du sigle radioactif, de les emprisonner sous des filets et de les libérer tous au même instant afin de créer une image de la formation d’un nuage radioactif et de déterminer ensuite sa dispersion après réception des cartes postales retour accrochées à chaque ballon. Cette action symbolique avait aussi pour but de rappeler la terrible explosion du 26 avril 1986 à Tchernobyl, les risques d’explosion des centrales nucléaires suisses et l’étendue possible de la contamination radioactive en cas d’accident.

La centaine de personnes réunies sur place ne fut pas de trop pour préparer les ballons qui prirent un magnifique envol dans le ciel bernois. Puisse un nuage radioactif réel ne jamais s’échapper de cette vétuste installation !

Lors de la conférence de presse organisée sur place, l’intervention de Luc Recordon, député vert vaudois au Conseil National, fut fort appréciée de tous ceux et de toutes celles qui dénoncent depuis des lustres les interférences entre l’OMS et l’AIEA, d’une part, et la participation de la Confédération suisse au programme CORE, d’autre part. Ce programme d’aide aux populations touchées par les suites de la catastrophe de Tchernobyl a été mis en œuvre par le CEPN (Centre d’études sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire), association de quatre membres de poids : EDF (Electricité de France), AREVA, le CEA (Commissariat français à l’énergie atomique) et l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). Que du beau linge ! C’est précisément ce qu’il est convenu d’appeler le lobby nucléaire ! Le but non avoué de ce programme est manifestement :

  • de minimiser le plus possible les conséquences de l’accident de Tchernobyl, tant il est vrai que l’évocation réelle des conséquences dramatiques nuirait au développement de l’industrie atomique,
  • de démontrer qu’on peut parfaitement survivre à une nouvelle catastrophe nucléaire, y compris si elle se produisait en Europe occidentale. On l’aura compris : le lobby nucléaire se prépare à une nouvelle catastrophe nucléaire en développant divers programmes de désinformation et nos autorités marchent dans la combine ! « Le nucléaire n’est pas si dangereux, puisque même une catastrophe a des conséquences limitées » tel est le message qu’il veut faire passer par tous les moyens !

26 avril : rassemblement antinucléaire devant le Consulat de France à Genève à l’occasion de la commémoration de la catastrophe de Tchernobyl

En donnant rendez-vous aux antinucléaires de Genève devant ce haut lieu de la résistance au surgénérateur Superphénix qui nous a occupés pendant une décennie, nous entendions non seulement rappeler l’accident de Tchernobyl et rendre hommage aux innombrables victimes de cette tragédie, mais aussi nous souvenir et donner en exemple la mobilisation citoyenne genevoise contre le surgénérateur de Creys-Malville qui a contribué de manière décisive à la fermeture in fine de cette installation menaçante pour toute notre région. Nous souvenir aussi que c’est grâce à une résistance citoyenne indéfectible que nous avions par le passé échappé à l’implantation d’une centrale nucléaire à Verbois.

La résistance de la société civile est plus que jamais indispensable aujourd’hui face à la menace de relance du nucléaire concoctée par des irresponsables qui n’ont retenu aucune leçon de la tragique catastrophe de Tchernobyl. C’est pourquoi nous avons voulu faire de ce rendez-vous du 26 avril un point de départ militant à un nouvel essor de la résistance antinucléaire. La France est sur le point de construire un nouveau réacteur, l’EPR, à Flamanville et si nous ne nous mobilisons pas, c’est chez nous aussi qu’on verra fleurir de nouvelles chaudières à plutonium génératrices de déchets radioactifs qui empoisonneront la Terre à jamais !

C’est avec émotion et beaucoup de chaleur au cœur que nous nous sommes donc retrouvés devant le Consulat de France, théâtre par le passé de tant d’actions symboliques, de rassemblements, d’actes de résistance ! Ce 26 avril 2006, à nouveau réunis en ce lieu, nous nous sommes promis de reprendre la lutte et de trouver ensemble la force et les moyens d’opposer encore et toujours une résistance farouche aux projets mortifères des nucléocrates ! Prochain acte de résistance : rendez-vous mercredi 24 mai à midi pour un pique-nique antinucléaire de protestation devant l’OMS (voir détails en page 12). A bientôt sur le terrain ! Anne-Cécile


Les mensonges d’AREVA

Selon la publicité de la multinationale du nucléaire Areva : un gramme d’uranium enrichi équivaut à huit millions de grammes de charbon (huit tonnes) : un moyen selon elle de « fournir beaucoup d’électricité avec peu de matières premières »*.

Mais, d’après le dictionnaire Robert, une matière première est définie comme : « non encore transformée par le travail et/ou par la machine ». Est-ce le cas de l’uranium enrichi ? Chaque tonne de la croûte terrestre contient en moyenne trois grammes d’uranium naturel. Ce lourd métal est composé de trois isotopes – même numéro atomique : 92, mais légère différence de densité. Des trois, seul le 235 est fissile, c’est à dire, capable de fournir de l’énergie… mais il ne représente que 0,72 % du total ! Pur, cet isotope sert à faire des bombes atomiques. Dans nos centrales électriques on se contente d’enrichir sa teneur -dans l’uranium naturel - d’environ 4,5 fois. Ce qui veut dire que pour obtenir ce gramme « enrichi » il faudra extraire, concasser, lessiver, traiter chimiquement puis mécaniquement – par diffusion gazeuse ou ultra-centrifugation - un peu plus de 1,5 millions de grammes. C’est à dire dépenser beaucoup plus d’énergie que ce gramme d’uranium n’en pourrait fournir. Et c’est très heureux comme cela. Car si la croûte terrestre en avait contenu en moyenne beaucoup plus, la vie n’aurait même pas pu apparaître.

On ne peut extraire l’uranium que dans des formations géologiques où le métal s’est concentré surtout dans certains granites ou le long de grandes discontinuités géologiques. Il se présente sous formes de deux cents différents minerais. Aucune mine n’est rentable à une teneur inférieure à deux pour mille. La France, après un demi siècle d’exploitation, a renoncé à extraire de l’uranium de ses minerais à faible teneur… mais en laissant sur le « carreau » plus de cinquante millions de tonnes de broyats non totalement dénués de radioactivité.

Avec cette concentration de deux pour mille, il faudra aux quatre coins du monde extraire, broyer et traiter environ vingt trois quintaux de roches pour obtenir un kilogramme d’uranium enrichi. Ajoutons que la dernière phase, celle de l’enrichissement de l’uranium par diffusion gazeuse mobilise, en France et à elle seule, l’électricité de quatre réacteurs nucléaires soit 21,3 milliards de kiloWattheure par an (21,3 TWh) pour l’alimentation de l’usine Eurodif. Cela donne tout de même l’équivalent de 354 KWh/an par Français. Pratiquement la moitié de la consommation annuelle par tête dans le résidentiel… chauffage et service de l’eau chaude exclus. Ces derniers quand ils sont assurés électriquement représentent un inadmissible gaspillage.

Assimiler l’uranium enrichi à des « matières premières » représente une véritable perversion du langage. Et n’oublions pas que tous les fascismes ou totalitarismes – techno ou pas – ont commencé par la perversion systématique du langage.

*Areva, publicité parue en avril 2005 dans tous les grands quotidiens et hebdomadaires français.

Bibliographie Sur les minerais d’uranium et concentrés : consulter le Dictionnaire Quid 2005, p. 1694c. Sur Eurodif : ibid, pp. 1694 b et 1695 a.

 
Articles de cette rubrique
  1. No 85, avril 2007
    15 octobre 2007

  2. No 82, mai 2006
    15 octobre 2007

  3. No 80, décembre 2005
    2 octobre 2007

  4. No 80, décembre 2005
    16 octobre 2007

  5. No 79, octobre 2005
    2 octobre 2007

  6. No 77, avril 1005
    2 octobre 2007

  7. No 76, décembre 2004
    2 octobre 2007

  8. No 75, octobre 2004
    2 octobre 2007

  9. No 74, juin 2004
    2 octobre 2007

  10. No 73, avril 2004
    2 octobre 2007

  11. No 72, décembre 2003
    2 octobre 2007

  12. No 71 octobre 2003
    2 octobre 2007

  13. No 64, juin 2002
    2 octobre 2007

  14. No 60, septembre 2001
    1er octobre 2007

  15. No 59, juin 2001
    1er octobre 2007

  16. No 55, décembre 2000
    1er octobre 2007

  17. No 54, septembre 2000
    1er octobre 2007

  18. No 52, avril 2000
    1er octobre 2007

  19. No 51, janvier 2000
    1er octobre 2007